CHURCHILL… Derrière ce nom quasi-évangélique se profile la figure robuste et volontaire d’un des plus grands chefs de guerre du XXe siècle. Véritable leader doublé d’un stratège, Winston Churchill a en effet été l’un des seuls à tenir tête à Hitler durant le Blitz de 1940. Face à cette icône du pouvoir, symbole de l’Angleterre victorieuse, l’on ne comprend pas pourquoi le nouveau film de Jonathan Teplitzky a choisi de se concentrer sur les doutes et les faiblesses de ce grand homme au point de le rendre presque dérisoire.
Le scénario prend place en 1944 et se déroule au Royaume-Uni durant les deux jours précédant le D-Day. Tandis que les généraux Montgomery et Eisenhower organisent les derniers préparatifs de l’opération Overlord, Winston Churchill fait tout son possible pour éviter l’offensive normande. Anxieux face à l’éventualité d’un nouveau carnage, il multiplie les discours, tente de dissuader ses troupes d’aller au combat et fait même appel au roi George VI pour le soutenir…
Le long métrage de Teplitzky explore avec insistance cette opposition entre le premier ministre britannique et les forces américaines. Malgré les clichés et les inexactitudes historiques, le cinéaste parvient à charmer son public à travers une belle ligne narrative. L’image est superbe, la musique poignante quant à la prestation de Brian Cox, elle est fabuleuse : le geste ample, le regard abrupte et l’humeur caustique, l’acteur écossais nous livre une partition Churchillienne incarnée jusqu’au bout du cigare ! Les personnages secondaires ont moins de texture mais ils demeurent assez attachants : il en va ainsi de Richard Durden qui interprète dévotement son bras droit, de Miss Garett sa jolie secrétaire (Ella Purnell) et de John Slattery qui prête ses traits émaciés au Général Eisenhower. La femme de Churchill (Miranda Richardson) est moins convaincante car elle s’enlise dans un questionnement anachronique autour de la place de l’épouse à une époque où les dames ne se posaient pas vraiment ce genre de questions…
Par-delà le casting et les qualités esthétiques du film, l’on déplore l’approche totalement incohérente du réalisateur qui a choisi de ne s’attacher qu’aux fêlures de Winston. Certes, il met en avant l’humanisme et la ténacité de ce premier ministre mais il passe les trois quarts du film à le déprécier : entre son addiction à l’alcool, ses crises de colère, ses retournements de caractère et son incapacité à comprendre la modernité de cette nouvelle guerre, tout s’enchaîne pour démonter publiquement la figure de « Vieux Lion » qui a pourtant su défier Adolf Hitler ! Même la dernière phrase du générique nous conforte dans cette impression de lynchage : « He is often acclaimed as the greatest Briton of all time ” (On s’accorde souvent à dire qu’il fut le plus grand Britannique de tous les temps). Mais c’est une évidence ! Quel intérêt a donc Teplitzky à faire vaciller la stature héroïque de Churchill pour le transformer en un vieillard décrépi rongé de culpabilité? C’est à se demander quel bénéfice tirent les réalisateurs contemporains à vouloir composer des portraits mièvres et sentimentalistes de tous les grands de ce monde ! Est-il donc devenu si honteux de nos jours d’être patriote et d’avoir du caractère ???
Que les choses soient claires : A l’inverse de ce que sous-entend ce film, Churchill n’était pas un vestige du passé durant l’offensive de 44 ! Malgré ses soixante-dix ans et son attrait pour le cognac, il demeurait un « Warlord » très impliqué contre le IIIe Reich qui n’aurait certainement jamais empêché les Alliés de s’attaquer aux puissances de l’Axe. En dépit de son talent de cinéaste Jonathan Teplitzky devrait donc se replonger dans ses livres d’Histoire afin de considérer à sa juste valeur la place et l’influence de Sir Winston Churchill dans la libération de l’Europe !
Un film de Jonathan Teplitzky
Avec Brian Cox, John Slattery, Miranda Richardson, Ella Purnell, James Purefoy, Julian Wadham
Drame – USA – 2017
Sortie nationale: le 7 juin 2017