L’homme aux mille visages retrace le parcours d’un incroyable menteur qui a su berner tout un pays. L’aventure commence à Madrid dans les années 80 : Luis Roldan, chef de la Guardia Civil fuit l’Espagne après avoir détourné d’énormes sommes d’argent. Moyennant un million de dollars, il demande à l’ancien agent Francisco Paesa de le cacher en France et de transférer l’ensemble de ses fonds à Singapour. Coutumier de ce genre de manœuvres, Francisco accepte le deal et enclenche toute la mécanique de son réseau parallèle. Derrière sa bienveillance se dissimule cependant une impressionnante cabale à l’encontre du gouvernement de Felipe González qui l’a précédemment trahi. De cette vengeance à retardement découlera la fortune de Francisco et le plus grand scandale politico-financier d’Espagne…
Basé sur des faits réels et inspiré du roman journalistique de Manuel Cerdan (« El espia de las mil caras »), ce film est un beau concentré d’humour noir et de corruption. Mettant en avant l’immoralité des politiciens et des hommes d’état (un sujet très actuel …), il nous plonge sans fard dans le monde furtif des sociétés offshores et des paradis fiscaux. Rythmé par une voix-off qui nous guide au cœur d’un labyrinthe financier fort complexe, ce long métrage possède une superbe dynamique décuplée par la musique de Julio de la Rosa. Tourné entre Paris, Madrid et Singapour, il enchaîne les manigances et les malversations avec beaucoup de fluidité et d’autodérision.
Parmi les principaux protagonistes se distingue Francisco Paesa, ex-agent du gouvernement espagnol : stratège hors-pair, il est interprété avec classe et discrétion par Eduardo Fernandez qui lui confère une élégante noirceur ponctuée d’infimes fêlures. Face à ce manipulateur solitaire se dessine la figure corrompue de Roldan, directeur de la Garde Civile : incarné sans profondeur par Carlos Santos, cet escroc richissime transpire la couardise. Épaulé par son épouse Nievès (la superbe Marta Etura), il exaspère continuellement les spectateurs avec son anxiété et ses crises de panique. Autre personnage important de cette affaire : Jesus Camoes (Jose Coronado) qui sous sa sobre apparence de pilote est à la fois le complice de Francisco et le narrateur de toute cette histoire.
Malgré la complexité du scénario et la part de fiction apportée par le réalisateur Alberto Rodriguez, ce polar percutant nous tient en haleine du début à la fin : on aime sa précision, son cynisme et sa cadence effrénée. On adore également la pertinence de son propos qui nous rappelle indirectement la sombre actualité de nos politiciens…
L’homme aux mille visages ? Un polar espagnol dont l’esprit et le rythme s’inscrivent dans la lignée cinématographique d’Ocean’s Eleven !
L’homme aux mille visages
(El hombre de las mil caras)
Un film d’Alberto Rodriguez
Espagne 2016 – 122 min
Sortie nationale : le 12 avril 2017