A l’occasion des fêtes d’Halloween, Mademoiselle Frankenstein reprend pour 2 représentations à la Folie Théâtre. L’occasion de découvrir l’auteur du roman et ses propres tourments…
Saviez-vous que le mythe de Frankenstein avait été écrit par une certaine Mary Shelley à peine âgée de dix-neuf ans ? Quelles sont donc les raisons qui ont pu pousser cette jeune fille à inventer ce monstre en ressuscitant des cadavres ? Telle est la thématique de Mademoiselle Frankenstein, subtilement mise en scène par Géraldine Clément et Frédéric Gray. A travers la rencontre de Mary Shelley et d’un étrange schizophrène nommé Lazzaro Spallanzani, cette pièce introspective nous entraine dans les arcanes de la raison humaine et de la déraison.
L’histoire prend place dans un décor parsemé d’alambiques où s’élève un trône aux allures de chaise électrique. Une odeur de souffre règne dans cette pièce isolée du monde où Mary Shelley a été conviée pour entendre les révélations du savant Lazzaro. C’est ici qu’en 1816, en compagnie de son époux et de Lord Byron, elle a donné naissance au mythe repoussant de Frankenstein. Quelles sont donc les forces diaboliques qui l’ont hantée pour qu’elle invente un tel monstre ? On ne conçoit pas impunément une créature aussi maléfique sans être tourmenté soi-même …
Méfiante et hautaine, Mary (Christelle Maldague) fait son entrée dans l’antre de Lazzaro. Avec ses yeux clairs comme des gemmes et sa lourde chevelure chignonnée, elle incarne à ravir l’héroïne romantique. A l’exemple du contraste entre sa peau laiteuse et sa robe de veuve noire, Mary symbolise à ravir l’image de la femme idéaliste et sombre propre au XIXe siècle. Volontaire mais vulnérable, elle nous fait songer à Adèle Hugo ou aux protagonistes stendhaliennes qui décuplent leurs forces pour ne point laisser deviner leur fragilité. Car Mary est fragile. Derrière son visage angélique, elle esquive une part d’ombre et de douleur que Lazzaro va, pas à pas, faire ressurgir devant nous. Tel un prestidigitateur, ce savant machiavélique (Frédéric Gray) va user de ruse et de domination pour entrainer sa proie dans une danse macabre mais salvatrice. Afin obtenir les confessions d’une femme qui n’attend plus grand-chose de la vie, il devra se montrer fort, quitte à la droguer ou à l’attacher pour qu’elle se livre… Au fil de ce duel pétri de haine et de passion, Lazzaro laissera cependant lui aussi échapper ses propres démons : l’œil fou et le cheveu hirsute, cet illuminé finira également par se confesser. Ses aveux seront l’occasion de remettre en cause l’existence de Dieu et de s’interroger sur la mort des êtres qui nous entourent.
C’est avec beaucoup de justesse que ce tandem de comédiens nous emporte durant plus d’une heure dans un jeu de pouvoir et de séduction. Alternant entre l’analyse psychologique et le conte fantastique, cette pièce évolue vers un suspense subtilement composé. Même si Christelle Maldague se contrôle un peu trop (notamment lorsqu’elle interprète la part lascive ou meurtrie de Mary Shelley), elle fait preuve d’une grande authenticité dans son rôle de bourgeoise engluée de respectabilité. De son côté, Frédéric Gray joue fort bien les inquisiteurs torturés. A la fois tendre et violent, il tisse un personnage bipolaire en jouant de la bestialité de sa voix et de l’angoisse qui se dégage de son regard halluciné. C’est un plaisir de voir ces deux êtres se toiser et s’hypnotiser dans un huis-clos qui pourrait s’intituler « Confessions de deux enfants du siècle » …
Mlle Frankenstein ? Une analyse fine et introspective sur la mort et la création.
Mademoiselle Frankenstein
Texte de Thierry Debroux
Avec : Frédéric Gray et Christelle Maldague
Mise en scène : Géraldine Clément et Frédéric Gray
A la Folie théâtre
6, rue de la Folie Méricourt
M° Saint Ambroise
Le 31 octobre et le 1er novembre à 20h30
Réservations : 0143551480
http://www.folietheatre.com
Mlle Frankenstein part ensuite en tournée :
– au Grenier Théâtre (Bougival) le 1er décembre à 20h45
– au Théâtre Jacques Brel (Champs sur Marne) le 8 décembre à 20h30