Quelque part dans un village bulgare des années 80, neuf personnes montent dans un autobus.Parmi elles se distinguent un couple de divorcés, un musicien, deux jeunes amoureux, un alcoolique, un paysan, un inspecteur du travail et un vieil homme.
Le véhicule démarre cahin-caha pour entamer sa course, puis soudain il accélère et quitte son trajet régulier pour entraîner ses passagers dans un no man’s land !
Au fil de cet itinéraire inconnu, tous réalisent qu’ils sont à la merci d’un chauffeur qui n’en fait qu’à sa tête. Victimes de ce conducteur fou, ils commencent à avoir peur, deviennent peu à peu solidaires, puis les masques tombent : face à la panique, la politesse cède la place à la lâcheté, la main tendue se rétracte et la dénonciation s’instaure jusqu’à faire imploser ce drôle de bus…
Véritable métaphore du régime communiste, cette pièce signée Stanislav Stratiev est une satire aussi belle que féroce. À travers la narration d’une révolte avortée, l’auteur s’amuse à dénoncer la couardise des individus face à l’autorité: dans cet omnibus, le conducteur règne effectivement en “Soviet Suprême” et il transforme progressivement tous ses passagers en de pauvres pantins.
Semblables à des clowns, ces « camarades » soviétiques illustrent parfaitement les travers de l’être humain : tour à tour menteurs, hypocrites, froussards ou pingres, ils sont prêts à tomber dans la servitude volontaire ou à se lyncher entre eux pour tirer leur épingle du jeu !
Il suffit d’ailleurs que l’alcool fasse son apparition dans cet omnibus déglingué pour que toute cette tribu de sagouins relègue aux oubliettes les notions d’union et de patrie si chères à l’idéologie communiste:n’hésitant pas un instant à livrer leur femme, leur honneur ou leur foi, ces personnages prouvent théâtralement que le collectif n’est qu’un mythe face à l’individualisme !
S’appuyant sur cette thématique, Laurence Renn Penel a conçu une mise en scène ubuesque : sur un plateau nu relativement sombre, elle a demandé à Thierry Grand de créer une immense carcasse de métal faisant office de bus. Assis sur cette plateforme à ressort, les comédiens exécutent leur partition durant une heure trente en faisant preuve d’une synchronisation fabuleuse: projetés de droite à gauche au rythme des virages, ils maîtrisent la voltige, le timing et l’humour ! Grâce à leur endurance et à leur complicité, les conversations s’enchainent, les gestes se répondent, les chants patriotiques s’élèvent, les conflits se multiplient et la pression monte.
Quelques figures ressortent de ce microcosme parmi lesquelles le bureaucrate sournois (Laurent Levy) qui cache sa pingrerie derrière ses petites lunettes, l’alcoolique aux yeux écarquillés (Christophe Sigognault) ou la jeune fille acrobate (Gabrielle Jéru, très énergique!) qui accepte courageusement d’être livrée en pâture au chauffeur pour sauver ses camarades.
C’est cependant le violoncelliste qui nous séduit le plus avec son air indigné, ses sueurs froides et ses mimiques loufoques. Interprété avec emphase par Lionel Bécimol, ce Maestro venu de l’Est est un mélange cocasse de Raymond Devos et de diva soviétique !
Prostré derrière son instrument, il incarne magnifiquement la mélancolie et l’effroi des âmes d’artistes captives des régimes totalitaires…
Si vous êtes partant pour un voyage surréaliste, n’attendez plus : l’Autobus est actuellement garé au Théâtre 13 ! Départ à 20h…
L’AUTOBUS
Une pièce de Stanislav Stratiev
Mise en scène : Laurence Renn Penel assistée d’Elise Lebargy
Scénographie et lumières : Thierry Grand
Avec : Raphaël Almosni, Lionel Bécimol , Solal Forte, Gabrielle Jéru, Laurent Lévy, Natacha Mircovich, Gall Paillat, Christophe Sigognault, Marc Ségala
Traduction: Athanase Popov
Costumes: Cidalia Da Costa
Coiffures: Julie Poulain
Musique: Stéphane Scott
Théâtre 13, côté Seine
30 rue du Chevaleret – Paris 13e
Réservations : 01 45 88 62 22
http://www.theatre13.com/
Jusqu’au 11 février 2018
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 16h
Le spectacle dure 1h30
Photos @ Lot