A l’heure des souvenirs – Le nouveau film de Ritesh Batra avec Charlotte Rampling et Jim Broadbent –
Tony Webster est un retraité solitaire. Divorcé, bougon et futur grand-père, il vit à Londres et passe son temps à marchander de vieux Leica dans sa boutique photo. Rien ne se passe au coeur de sa morne vie jusqu’à ce qu’il reçoive une lettre : la mère de Veronica, son amour de jeunesse, vient de mourir et elle lui lègue un journal intime. Sans qu’il ne s’y attende, le pauvre Tony va soudain être rattrapé par les erreurs de son passé et tenter, tant bien que mal, de les affronter…
C’est à Jim Broadbent que revient le rôle de ce septuagénaire un peu soupe au lait. Malgré son égoïsme et sa monotonie, ce personnage est assez attachant. On aime son côté old-school, sa véritable candeur, ses grands yeux de hibou perdu et toutes les petites nuances que lui apporte malicieusement le comédien Jim Broadbent.
A ses côtés, l’on voit s’activer sa fille (Michelle Dockery) enceinte jusqu’au cou ainsi que son ex-femme (Harriet Walter, très subtile) à qui il révèle peu à peu ses fautes et ses remords. L’on découvre également Veronica, l’amour de ses vingts ans, interprétée avec pudeur par Charlotte Rampling : naturellement amère et énigmatique, l’actrice réussit à conférer à cette mystérieuse Veronica un magnétisme désarmant.
Le film se déroule sur deux époques différentes tissées de flashbacks et de souvenirs. L’on passe ainsi de la grisaille du XXIe siècle aux couleurs pop-rock des années 60 sur lesquelles le réalisateur jette un regard mélancolique.
Transportés dans la mouvance poétique des Sixties l’on comprend pourquoi le jeune Tony (Billy Howle) est tombé amoureux fou de sa Veronica (Freya Mavor): blonde, séduisante et aguicheuse à souhait, la belle lui a fait croire au nirvâna ! Elle a, de plus, officiellement présenté le candide Tony à ses parents… Comment expliquer alors qu’elle décide du jour au lendemain de le tromper avec son meilleur ami ? Désemparé face à un tel acte, Tony prendra la plume et scellera sans le savoir le destin de chacun des protagonistes de cette histoire…
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Réalisé par Ritesh Batra (à qui l’on doit le savoureux The Lunchbox), ce long métrage livre un portrait méditatif sur l’existence. À travers le symbole d’une simple lettre écrite sous l’action de la colère, le réalisateur tente de révéler les répercutions que peuvent avoir nos gestes ou nos paroles sur la vie des gens qui nous entourent. En présentant l’ensemble de ses personnages sur cinquante ans d’intervalle, il nous offre un étrange jeu de piste et montre à quel point l’être humain aime édulcorer son passé. Chacun d’entre nous a, effectivement, tendance à effacer de sa mémoire ce qui ne lui convient pas: qu’il s’agisse d’un drame ou d’un mensonge, l’on a pour habitude d’enjoliver nos souvenirs et de les transformer. Cependant, en nous mentant ainsi à nous-mêmes, ne finissons-nous pas par confondre la réalité et la fiction ?
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Tel est le cas de Tony, qui s’est maladroitement débarrassé de sa rancœur sans en peser les conséquences. Son existence demeure depuis parsemée de regrets et de culpabilité. Pour fermer la boucle de ce drame, il va lui falloir affronter une vérité encore plus étrange qu’il ne l’imaginait. La chute du film est, à ce propos, aussi forte que déroutante. Dommage que Ritesh Batra ne l’ait pas rendue plus explicite : vu tout le mystère qui entoure cette histoire d’amour déchu, l’on aurait aimé une fin précise et détaillée. Elle laisse néanmoins à réfléchir…
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A l’heure des souvenirs ? Une film intimiste qui s’écoule tranquillement comme le temps qui passe…
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A l’heure des souvenirs
(The Sense of an ending)
Un film réalisé par Ritesh Batra
D’après Une fille qui danse de Julian Barnes
Avec Jim Broadbent, Michelle Dockery, Emily Mortimer, Harriet Walter et Charlotte Rampling, Billy Howle, Freya Mavor, Joe Alwyn
Grande Bretagne – 2018 – 1h48
Grande Bretagne – 2018 – 1h48
Sortie : le 4 avril 2018
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