Charles Gonzalès devient Camille Claudel
Camille Claudel interprétée par un homme ? Et pourquoi pas ? Le comédien Charles Gonzalès a voulu aller au delà des apparences et prêter son corps massif à cette artiste abandonnée. Se concentrant sur l’esprit perturbé de sa Camile-Camomille, il la ressuscite avec douleur et frénésie sur les planches du Théâtre de Poche.
S’inspirant des lettres écrites par Mademoiselle Claudel depuis son asile d’aliénés, Charles Gonzalès a choisi de transcrire sur scène sa correspondance intime.
A la lecture de ces missives, l’on réalise à quel point les proches de Camille sont restés sourds à sa détresse: qu’il s’agisse de sa vieille mère, de son frère Paul ou de son amour de Rodin, tous l’ont consciemment laissée pourrir chez les fous durant plus de trente ans!
Bien qu’il joue Camille, Charles Gonzalès a plutôt l’allure monumentale d’un marbre de Rodin. Les mains bandées et la chevelure en bataille, il se déplace lentement face aux spectateurs, affublé d’un vieil éventail. Claudiquant sur sa frêle canne, il nous livre sa vision de l’âme troublée de Camille en la faisant parler de façon convulsive.
Sa voix sortie d’outre tombe est impressionnante mais le comédien a parfois du mal à la canaliser. Le discours de Camille passe ainsi sans cohérence du chuchotement d’une déséquilibrée aux cris rauques et caverneux d’une exorcisée. La diction de cet acteur est titanesque : il fait rouler les Rrrr d’effroi, confère aux Ssss de la souffrance et percute nos cerveaux en faisant toquer les Tttt. Avec une voix aussi tragique, l’on aimerait voir Charles Gonzalès interpréter un empereur fou comme Néron ou Caligula mais pas Camille Claudel… Un tel timbre ne sied point à une femme, aussi démente soit-elle.
En voulant transmettre au public la souffrance de sa protagoniste, Charles Gonzalès tombe également, sans le vouloir, dans un excès de pathos : sa gestuelle et ses lamentations sont, en effet, si exagérées qu’on a l’impression d’un jeu feint et presque artificiel. Tout est trop emphatique, trop théâtral dans ce monologue et au bout d’une heure de représentation, l’on a le sentiment que l’acteur s’est piégé lui-même dans la folie de Camille et les cordages qu’il tire douloureusement d’un bout à l’autre de la scène.
De surcroît, malgré la belle tension dramatique qui s’impose dès la première phrase, l’on ressent un chaos au niveau du texte et des pensées de sa protagoniste. Cette Camille Claudel parle trop, elle se répète, elle radote, elle supplie et ne cesse d’évoquer son manque d’argent ou sa haine des autres. Pestant après les Francs-maçons, les juifs ou les protestants, l’on comprend qu’elle envoie valser avec dégoût les hypocrites de son temps et toute la pseudo-morale judéo-chrétienne des gens qui l’entourent. Ce que l’on comprend moins c’est le manque de pauses et de respiration de ce soliloque : un texte aussi dense a besoin de silences et d’autres sons que la voix monotone de Camille, sinon il finit par nous engourdir.
Pourquoi ne pas opter pour des bruitages, une musique ou des voix off construisant un dialogue, certes, imaginaire mais offrant une autre résonance à cette pièce trop plaintive ?
En choisissant un registre aussi pathétique, Charles Gonzalès a, hélas, transformé sa pièce en un sombre râle qui nous assomme au point que le chemin de croix de Camille devient presque le nôtre. C’est dommage car il y a une vraie révolte intérieure de la part de ce comédien pour sa Camille-Camomille…
Charles Gonzalès devient Camille Claudel
Conception, mise en scène et interprétation: Charles Gonzales
Théâtre de Poche
75 boulevard du Montparnasse
Paris 6e
www.theatredepoche-montparnasse.com
Du 8 janvier au 18 juin 2018
Représentations les lundis à 19h et les dimanches à 17h30
Réservations : 0145445021
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Photos : Laurencine Lot et Jean-Didier Tiberghien