Valjean ressuscite au Théâtre de l’Essaïon
On vous le dit d’office : ce monologue est remarquable ! A la fois profond, mélancolique et incarné, il est d’une justesse désarmante qui ne peut que vous émouvoir, même si vous n’aimez pas la prose hugolienne.
Seul sur scène durant une heure dix, le comédien Christophe Delessart s’attelle à ressusciter la figure légendaire de Jean Valjean avec autant de finesse que d’humilité. Le regard tendre mais le front sillonné d’inquiétude, il nous raconte le dur parcours de ce bagnard au grand coeur jeté aux galères pendant plus de vingt ans pour avoir volé un simple pain…
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Un bagnard en quête de rédemption
Se plongeant littéralement dans le personnage emblématique de Victor Hugo, Christophe Delessart retrace pas à pas l’existence de Jean Valjean depuis sa mise au cachot jusqu’au mariage de Cosette, sa petite protégée.
Emportés dans les méandres de sa mémoire, l’on assiste à son évasion, à sa rencontre avec l’évêque de Digne, ainsi qu’à son interminable confrontation avec l’inspecteur Javert. Traversant des couvents, des barricades ou des auberges, Valjean nous entraine dans une quête de rédemption qui trouvera enfin son salut auprès de Cosette découverte chez les Thénardier. Là, face à cette orpheline sans défense, ce brave galérien va mettre tout en œuvre pour sauver une autre âme perdue et ne plus jamais s’écarter du droit chemin.
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Dans la tête de Valjean
En abordant l’histoire des Misérables du point de vue de Jean Valjean, Christophe Delessart confère à ce protagoniste habituellement taiseux un nouvel éclairage. La barbe drue, le regard clair et la voix raboteuse, le comédien relate avec force et amertume les pensées secrètes de l’ancien forçat. S’immiscent dans son esprit, il exprime ses rêves perdus, son amour infini pour Cosette mais aussi ses terribles remords.
Tout est dit, interprété et partagé avec une telle émotion qu’au fur et à mesure de la narration apparaissent sur la petite scène du Théâtre de l’Essaïon l’ensemble des lieux et des personnages de la fresque hugolienne : entre la Thénardier qui maugrée, Javert qui rumine et la pauvre Fantine qui agonise, l’on voit alors s’élever graduellement la prophétique figure de Jean Valjean et l’on s’y attache. Certes, l’ancien prisonnier peut sembler haineux et renfrogné au premier abord, mais lorsque l’on prend le temps d’écouter sa vérité l’on découvre un océan de bonté et de bienveillance en cet homme.
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Christophe Delessart : un comédien remarquable
C’est avec maestria que Christophe Delessart se jette à bras le corps dans le personnage complexe et solitaire de Jean Valjean. Le phrasé délié, le verbe fluctuant et la mine sombre, il déverse sans faille un texte magnifique souligné par une mise en scène sobre et intimiste. A mi-chemin entre le conte et la confession, le comédien retrace avec passion la triste existence d’un bagnard devenu enfin un honnête homme. Son discours est beau, grand, vibrant et l’on boit ses paroles avec ravissement.
A l’égal d’un Gabin, Christopher Delessart conserve la paupière sévère, la posture digne et le ton dépouillé de toute illusion sur ses semblables. Tour à tour blessé, hargneux ou vulnérable, il porte ce dialogue intérieur avec autant de convictions que de nuances. Qu’il apparaisse élégant comme un bourgeois chapeauté ou bourru comme un paysan (qui nous rappelle indiciblement Michel Simon), le comédien insuffle une évidence à son texte et une véritable dévotion à Valjean. Tout est transmis avec coeur, foi et lucidité. Ça déborde de talent. Ça suinte d’humanité. Ça fuse d’émotion et de générosité. Que dire de plus ? Bravo Christophe Delessart pour cette interprétation magistrale d’une âme tortueuse qui trouve enfin sa résilience.
Valjean – PDF SYMA News – Florence Ye?re?mian
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