Green Book
Peu de personnes savent aujourd’hui ce que le Green Book représentait dans l’Amérique des années 60. Sous-titré “Le guide du nègre en voyage”, cet infect livret répertoriait les routes, les commerces et les motels autorisés alors aux personnes de races noires.
Peter Farrely en a fait le titre de son film car ce dernier retrace le parcours “légal” emprunté par le pianiste afro-américain Doc Shirley lors de sa tournée musicale aux États-Unis. Surtout ne ratez pas ce road movie pétri de finesse et d’humanité !
Mais qui est Doc Shirley ?
L’histoire débute à New York en 1962 dans le milieu des cabarets et de la mafia italienne.
Tony Lip, un tchatcheur de première y joue les videurs pour gagner sa vie. Grace à sa réputation de gros dur, il se voit proposer un poste de chauffeur pour un certain Docteur Shirley. Répondant à l’offre, il découvre que ce nouveau maître est un pianiste noir en quête d’un chauffeur mais surtout d’un garde du corps pouvant le protéger dans sa prochaine tournée “sudiste” des USA.
Tony Lip sait bien que le Sud reste toujours une terre hostile aux gens de couleur et qu’un musicien noir, aussi virtuose soit-il, risque fort à s’aventurer dans ces contrées ultra nationalistes. En dépit des menaces, il accepte le deal et prend le volant de cette étrange aventure.
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Une tournée musicale ou un chemin de croix ?
Le circuit démarre à Pittsburg en Pennsylvanie et va durer huit semaines : Ohio, Indiana, Kentucky, Caroline du nord, Georgia, Tennessee, Arkansas… En dépit de la ségrégation, Shirley va s’enfoncer jusqu’au fin fond de la Louisiane pour donner ses concerts. Invité par les gens de la haute-société, il est applaudi comme entertainer mais on lui refuse toujours l’accès à une loge respectable ou à des WC pour blancs !
À chacune des étapes, les difficultés augmentent et, face au racisme ambiant, Tony a du mal à comprendre le chemin de croix que s’inflige Shirley : pourquoi tenter le diable auprès de blancs qui ne voient en lui qu’un animal de foire alors qu’il a déjà gagné sa notoriété en Nouvelle Angleterre et le respect du public new-yorkais ?
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Un tandem complice et respectueux
Côte à côte, ou plutôt assis l’un derrière l’autre dans leur grande voiture bleue, Tony et Shirley vont donc partager de longues journées.
Le contraste entre ces deux hommes est savoureusement caustique : Tony Lip est, en effet, aussi rustre que Shirley est raffiné. Dans cette association improbable entre l’esprit et la force, il est émouvant de voir naître leur complicité car, au fil de la route, les deux compères apprennent à se connaître, à se respecter et ils cherchent même à s’améliorer mutuellement.
Il en va ainsi de Shirley qui tente d’inculquer à Tony une meilleure élocution et une certaine morale. En retour, l’italien décoince son patron en lui offrant ses réflexions très terre-à-terre et sa générosité méditerranéenne.
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Deux interprètes de haut-vol !
C’est à Viggo Mortensen que revient le rôle de Tony Lip. L’interprète d’Aragorn (Le Seigneur des Anneaux) a ici perdu de sa superbe mais il cogne toujours aussi bien. Le ventre bedonnant et la virilité un peu pantouflarde, il incarne les pères de famille italiens avec toutes les responsabilités et l’honneur que cela implique. Derrière son apparente bravoure de rital issu du Bronx, le comédien laisse poindre de très beaux moments de lucidité ainsi qu’une grandeur d’âme. Tandis qu’il découvre pour la première fois la beauté de son propre pays, son personnage prend aussi conscience de la stupidité de ses concitoyens et décide de ne pas tomber dans leur xénophobie chronique.
De son côté, Mahershala Ali insuffle beaucoup de classe et d’élégance à la figure de Doc Shirley. La ligne fine et le costume impeccable, il impressionne de prime abord par son savoir et son assurance. Cependant, derrière ce flegme apparent, se cache un coeur blessé qui ne parvient pas à trouver sa place: écartelé entre des hommes noirs complètement asservis et des intellectuels blancs bourrés de préjugés racistes, il tente de réconcilier ses contemporains en leur prouvant que l’intelligence et la bonté de chacun ne réside ni dans sa couleur ni dans sa race.
Humour et musique sont au programme
Pour souder ce magnifique tandem qui se complète si bien dans ses différences, l’humour est aussi de la partie. Les dialogues sont sans cesse ponctués de blagues et de fines saillies qui font progressivement disparaitre les jeux de pouvoir existant alors entre noirs et blancs et, inversement, entre maitre et chauffeur.
Soulignons enfin que la musique tient un rôle à part entière dans le film de Peter Farrely : tout le scénario est baigné de superbes mélodies. Entre les chansons d’Aretha Franklin, les pièces liturgiques, les jazz-sessions et les morceaux classiques, on ressort de la salle en se trémoussant façon Sixties !
Vous l’avez compris, Green Book est une partition ponctuée de finesse, d’intelligence et d’humanité. Ne la ratez pas !
Green Book – PDF SYMA News – Florence Ye?re?mian
Green Book
Sur les routes du Sud
Un film de Peter Farrelly
Avec Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini, Sebastian Maniscalco, Dimiter D. Marinov, P.J. Byrne
Sortie nationale : le 23 janvier 2019