Le photographe : le nouveau film de Ritesh Batra
Le cinéma de Ritesh Batra déborde de charme et d’humanité. Après son excellent The Lunchbox, il nous entraîne dans une romance improbable au cœur de Bombay entre un pauvre photographe et une jeune fille de bonne famille.
Rafi est un modeste photographe qui gagne chichement sa vie en faisant des photos-souvenirs devant la Porte de l’Inde. Le hasard lui fait croiser le chemin d’une brillante étudiante nommée Miloni. Issue de la bourgeoisie indienne, la jeune fille est soumise au bon vouloir de ses parents qui lui ont déjà choisi un époux et tracé tout son avenir. Suite à un quiproquo, Rafi demande humblement à Miloni de se faire passer pour sa fiancée. Sans trop savoir pourquoi, la jeune fille accepte et voit la grand-mère de Rafi débarquer à Bombay pour la rencontrer…
Un cinéaste plein d’élégance
A mille lieues des productions bollywoodiennes, le film de Ritesh Batra est brodé tout en douceur et délicatesse. A travers trois personnages (Miloni, Rafi et Dadi, sa grand-mère), le réalisateur tisse habilement une toile faite d’émotions pudiques, de poésie et de non-dits. Avec beaucoup de subtilité, il installe son trio au cœur d’une relation incertaine qu’il fait évoluer à travers des jeux de regards, de longs silences et des pensées pleines d’espoir.
Par petites strates, chacun de ses protagonistes gagne en confiance et s’affirme devant nos yeux: Rafi remet en question son statut social et son devoir, Miloni commence à s’émanciper et à chercher sa liberté, quant à la grand-mère (fantastique Farrukh Jaffer !) elle rayonne de bienveillance et manipule ce jeune couple avec un panache désarmant.
Un trio d’acteurs hétéroclites
Nawazuddin Siddiqui interprète le rôle du photographe avec une belle aisance. Tour à tour hésitant, respectueux ou rêveur, il confère à son personnage une tempérance derrière laquelle se dissimulent autant de rêves que de colère.
De son côté, Sanya Malhotra prête son profil réservé à la jeune Miloni. Son jeu est un peu trop passif dans la première partie du film mais cela tient certainement au caractère de sa protagoniste. Mutique et soumise, elle va peu à peu quitter cette posture docile pour s’affirmer et quitter le carcan que lui inflige sa famille.
Pour chaperonner ce jeune couple en manque de confiance, la comédienne Farrukh Jaffer offre tout son talent et son énergie. Figure matriarcale haute en couleur, elle incarne Dadi, la grand-mère, avec autant d’autorité que de bienveillance. A la fois comique et pétrie de sagesse, Farrukh Jaffer balaye la mélancolie du scénario et nous fait vraiment rire depuis les cimes de son grand âge.
Une simple quête du bonheur
Parallèlement aux acteurs, la ville de Bombay est aussi un personnage à part entière du film. Ritesh Batra nous la livre tout au long de son récit avec sa lumière dorée, ses foules immenses et ses marchés grouillants.
Dans ce cadre magnifique de l’Inde contemporaine, le cinéaste parvient à nous transmettre paisiblement ses pensées et son ressenti: à travers son long-métrage, certains spectateurs pourront déceler une critique douce des mariages arrangés, d’autres y verront une dénonciation des conflits sociaux, d’autres enfin pourront aussi constater qu’au XXIe siècle les traditions commencent à s’éroder.
Par-delà ces réflexions, le principal sentiment qui émerge vraiment de ce film est la quête du bonheur de deux êtres solitaires face à l’incompréhension du monde qui les entoure.
Le photographe ? Un film un peu hors du temps, entre romance et quête de soi.
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Le Photographe
Un film de Ritesh Batra
Avec Sanya Malhotra, Nawazuddin Siddiqui, Farrukh Jaffer
En salles actuellement
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