Révélation pop électro du moment, la tempête Suzane déboule en force avec son premier album « Toï Toï ». Un projet de 14 titres, entre sujets sociétaux et confessions sur fond de musique électro dynamiques. Un opus explosif qui ne risque pas de passer inaperçu et une artiste survoltée qui n’a pas peur de casser les codes ! Chronique musicale
Un opus personnel
Qui se cache derrière cette rousse remplie d’énergie ? Une réponse apportée par la principale intéressée par petites touches tout au long de ce premier disque. Un projet né à l’époque ou Suzane, de son vrai prénom Océane, rêvait de la scène en exerçant en tant que serveuse dans des restaurants. Une expérience qu’elle retrace dans « Suzane » titre éponyme plus que personnel, très largement inspiré de son passé. Un hit électro rythmé par des beats explosifs et remarques péjoratives qu’elle a dû surmonter pour atteindre son objectif artistique. « C’est beau de rêver ma fille, mais t’as plus huit ans » la décourageaient certains envieux.
Affronter ces réprobations mais aussi devoir supporter des clients aigris, comme celui qu’elle surnomme « L’insatisfait » son premier single, choisi également pour introduire son opus. Une chanson sur la lassitude de la routine et la confrontation avec des gens aigris. « Un frustré de la vie » comme elle l’appelle, qui aura au moins eu le mérite d’inspirer la demoiselle qui n’a pas sa langue dans sa poche.
Autre étape de sa vie marquante racontée, le conservatoire du Grand Avignon qu’elle a intégré dès l’âge de 8 ans. Neuf années de rigueur et d’exigence qui ne lui ont pas laissé que des bons souvenirs. Celle que l’on surnommait alors « la flemmarde » se confie sur ce mal du siècle dans « La flemme ». Un pied de nez audacieux de cette artiste désormais plutôt hyperactive devenue même la plus programmée des Festivals l’été dernier.
Des commentaires sur son comportement mais aussi sur son poids, qui se devait être irréprochable en tant que ballerine. Une pesée hebdomadaire et un contrôle constant qui lui a laissé des séquelles. Une pression qu’elle dénonce dans « Pas beaux» un autoportrait dans lequel une fois de plus elle ne mâche pas ses mots.
En vrai bosseuse, Suzane a choisi de s’accrocher à ses illusions plutôt qu’abandonner, car comme elle le souligne si bien dans son hit « Plus vite que ça » le temps passe ou plutôt file. Pas question de finir comme cette « Madame Ademi ». Une « madame tout le monde » stressée par le quotidien et l’image qu’elle peut dégagée.
Torrent d’énergies et thèmes sociétaires
Loin d’être auto-centrée sur elle-même, Suzane se sert de ses rencontres du quotidien pour aborder la vie dans son ensemble à travers des thèmes sociétaux. À l’image de « Anouchka » une douceur épurée et mélancolique sur la question du genre. Un récit tiré de l’histoire vraie d’une connaissance.
Une volonté assumée de parler aux « différents » mais aussi à ceux qui les entourent, en fin de compte à tout le monde.
Sans passer par quatre chemins, la chanteuse se montre audacieuse et frontale. Son titre « SLT » en est la preuve. Un hymne militant dénonçant le harcèlement sexuel sur fond de sonorités urbaines.
Un hit dans lequel la jeune femme se met dans la peau d’un coupable accusant sa victime de l’avoir bien cherché. Une situation racontée avec un flow imparable slamée voire rappée. Un véritable appel à la résistance et un bon moyen de faire ouvrir les yeux sur la réalité des choses.
Tout autant engagé et concernant, « P’tit gars » dénonce l’homophobie à travers un coming-out réalisé lors d’un repas de famille. Une confidence pas forcément bien encaissée par l’entourage qui y répond à coup de clichés et paroles blessantes.
En bonne porte-parole, Suzane ne diminue pas la cadence quand il s’agit de pointer du doigt le réchauffement climatique. Un fléau au coeur de « Il est où le SAV ? » un hit vitaminé porté par un refrain entêtant. « ça se réchauffe, ça se réchauffe, ça se réchauffe. La planète en surchauffe » alerte la chanteuse avec entrain. Un cri du coeur transmissible.
Une artiste qui s’engage et qui s’interroge aussi. Sur l’impact des réseaux sociaux notamment, dans « Monsieur Pomme » retraçant la vie d’un couple noyé par ses appareils numériques et ses connaissances fictives, qui en oublie de communiquer réellement. Mais également sur les faux-semblants dans « Quatre coins du globe » racontant l’évasion par procuration à coup de clichés postés sur la toile en échange de quelques likes. Un hit léger plein de second degré porté par une rythmique vitaminée.
Une recherche du buzz nourrissant les commérages. Thème évoqué dans « Le potin ». Un mid-tempo épuré s’amusant des « on dit ».
Encore plus fort, « Novembre » aborde avec délicatesse les sinistres attentats de 2015. Une ballade poignante en piano-voix mais surtout un très bel hommage.
Une pépite qui se démarque clairement du reste de l’album, globalement explosif.
En bref, Suzane livre un premier opus aussi dansant que militant. Un disque construit intelligemment à la fois imaginatif et audacieux, qui pousse à réfléchir. Un projet à l’image de cette véritable conteuse d’histoire dans l’air du temps.
Coups de coeur : Il est où le SAV ? / SLT / Novembre
DROUIN ALICIA