Il y a quelques années, nous avons découvert Milena Marinelli dans le Musical Kiki de Montparnasse où elle interprétait avec exubérance cette belle muse des Années 20. Depuis, la demoiselle nous a fait rire dans Les Fiancés de Loches, enthousiasmés dans Chance et totalement envoutés en incarnant une sulfureuse Veuve Champagne sur la scène du Théâtre de la Huchette.
Chanteuse et comédienne, Milena Marinelli possède un talent et une énergie débordante qui se poursuivent malgré le confinement. Pour faire face à la monotonie ambiante, elle a mis en musique des textes d’Apollinaire et repris des chansons de Bourvil ou de Joe Dassin sur sa page Facebook.
Rencontre avec une artiste charismatique pétrie d’humour et de sincérité.
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Florence Gopikian Yérémian : Quand le confinement a commencé ou étiez-vous ? Sur scène en train de jouer ou prépariez-vous une nouvelle pièce ?
Milena Marinelli : J’étais en pleine répétition pour un nouveau spectacle d’après Musset qui devait se jouer à Avignon…
Depuis une dizaine d’années, vous enchaînez les comédies musicales (Kiki de Montparnasse, Chance, Les fiancés de Loches, La veuve Champagne…), avez-vous suivi une formation de chanteuse ou de comédienne ? Au conservatoire ou en autodidacte ?
J’ai suivi une formation de comédienne au conservatoire du 9e arrondissement de Paris, ainsi qu’au QG (une école qui n’existe plus).
Pour ce qui est du chant, je ne l’ai pas véritablement appris. J’ai écouté les conseils judicieux que mon père, chanteur lyrique, me donnait entre deux portes quand je vivais encore chez mes parents.
Ensuite, je me suis inscrite en classe de chant jazz, toujours au conservatoire du 9e, où ce n’était pas la technique vocale qu’on apprenait, mais plutôt le scat. Mais à vrai dire je me suis inscrite en jazz plus pour suivre un garçon dont j’étais amoureuse à l’époque, que pour un réel intérêt envers le jazz.
En plus du chant, vous jouez du violon, de l’accordéon, un brin de trombone… Êtes-vous issue d’une famille d’artistes ?
Tout à fait. Mes grands parents étaient peintres, ma mère auteure, et mon père chanteur lyrique et musicien. Il a une sacrée collection d’instruments de musique à la maison, et c’est pour ça que je m’y essaie pour m’amuser. Mais le seul instrument que j’ai réellement appris c’est le violon, j’en ai fait 10 ans au conservatoire de Marseille.
Quel registre vous attire le plus : le jazz, les mélodies des années 20 ? Une période particulière ?
Ce que j’aime chanter, c’est la chanson française dans ce qu’il y a de plus large. Je suis séduite par des mélodies ou des mots. Je préfère chanter dans ma langue, cela me permet d’avoir plus de possibilités d’interprétation. Mais il m’arrive aussi de chanter dans d’autres langues.
Avez-vous un/e chanteur/euse qui vous envoûte ?
Il y a une chanteuse que j’écoute depuis que je suis gamine, surtout un album qu’elle a fait avec Goran Bregovic. Elle s’appelle Alkistis Protopsalti. J’adore sa voix, chaude et puissante. Elle chante avec ses tripes. Quand j’étais petite, je disais que je serai chanteuse grecque.
Depuis vos premiers pas sur scène, quel est le rôle que vous avez préféré interpréter ?
Sincèrement j’aime tous les personnages que j’ai eu la chance de jouer. Mais j’ai une tendresse particulière pour Kiki de Montparnasse. En lisant ses mémoires, je suis tombée en amour pour cette femme, dont j’admire la joie de vivre, la liberté et la force. Je savais que j’avais quelque chose à faire avec elle. Et c’est de mon désir de l’interpréter sur scène qu’est née la co-écriture du spectacle avec Hervé Devolder.
Depuis le début de la pandémie, vous avez mis en ligne de très belles parenthèses chantées avec votre père où vous reprenez un poème d’Apollinaire, une chanson de Joe Dassin et une mélodie de Bourvil, pourquoi ces choix ?
Ce ne sont pas vraiment des choix, mais plutôt des coups de cœurs, des évidences. Pour Marizibil d’Apollinaire, c’est parce que je discutais avec mon père de mettre des poèmes en chanson, qu’il m’a dit « il y a des années j’ai composé une musique sur le poème Marizibil », il me l’a chanté, j’ai trouvé ça magnifique et j’ai eu envie de le partager. Pour le Joe Dassin « Et si tu n’existais pas », c’est juste que j’ai toujours aimé cette mélodie avec des paroles simples mais tellement belles, et je me suis dit qu’en enlevant le coté variété encrée dans une époque, on pouvait en faire une jolie ballade. Et pour la chanson « Les sourires de Paris » de Bourvil, c’est parce qu’en voyant passer « La tendresse » enregistré par de nombreux musiciens, je me suis dit « Tiens, il faut aller chercher dans le répertoire de Bourvil, il n’a pas enregistré que des chansons rigolotes » et je suis tombée sur celle-ci qui m’a directement séduite.
Est-ce que vous composez également ?
Il m’arrive de composer mais je suis extrêmement lente, et je n’écris pas beaucoup de textes. Mais enfin, durant ce confinement j’ai écrit et composé une chanson « Ma maison suspendue » qui parle de ma maison d’enfance à Marseille. J’ai écrit et composé également une chanson pour faire une vidéo avec mes copains du collège avec lesquels j’étais en horaire aménagé Musique, que nous devrions partager bientôt sur les réseaux. Le confinement nous a permis de reprendre contact après des années.
On peut aussi vous entendre chanter en bosniaque, avez-vous des origines balkaniques ou une simple attirance pour les ballades tziganes ?
C’est que je suis une grande admiratrice des films d’Emir Kusturica, (surtout « Le temps des gitans » qui me bouleverse). J’adore la musique d’Europe de l’est, ces mélodies me touchent au plus profond de mon être. J’ai pas mal voyagé en ex-Yougoslavie. La chanson que je chante sur la vidéo, je l’ai entendu dans un album de Liljana Buttler, une chanteuse bosniaque.
Vous avez aussi participé à un hommage chanté pour le personnel soignant (#EnsembleAvecNosSoignants). Qui a organisé cette vidéo ? Était-ce complexe à monter ?
C’est une initiative de Cindy Feroc (qui a fait le montage) et Adrien Biry Vicente (qui a écrit les paroles). Je ne sais pas si ça a été complexe à monter, moi j’ai juste envoyé ma vidéo.
Selon vous, quelles répercussions va avoir le Covid 19 sur le monde du théâtre et de la scène musicale ?
Je pense que cela va être un peu plus compliqué financièrement, je parle du côté des Productions qui ont perdu et doivent encore perdre de l’argent; à mon avis, cela se répercutera sur les projets à venir. Pour ce qui est du public, il sera surement un peu frileux au début, comme à chaque fois qu’il se passe quelque chose de grave. Mais j’ai bon espoir que les salles de spectacles se remplissent à nouveau, je crois que tout le monde a envie de reprendre les sorties et de s’évader avec la culture. Enfin… quand les salles ré-ouvriront…
Je suppose que vous aviez prévu de participer au Festival d’Avignon cet été ? Avec quel spectacle ?
Oui, je devais faire Avignon avec « Kiki » et « La grande petite Mireille » en alternance à l’Essaïon, mais surtout avec un nouveau spectacle « Badine » adapté de la pièce de Musset et mis en scène par Salomé Villiers, aux côtés de Delphine Depardieu, Benjamin Egner, Bernard Malaka, Adrien Biry Vicente, et Catherine Cyler, au Théâtre des Gémeaux . J’interprète de rôle de Rosette, un personnage qui m’a de suite séduite à la lecture. Elle est touchante, bourrée d’humanité, simple, mais pas bête, naïve car pure dans ses sentiments. J’adore ce projet. Mais tout ça sera reporté à Avignon pour 2021, je l’espère.
Où êtes-vous confinée et comment occupez-vous vos journées : travaillez-vous sur de nouveaux projets ?
Je suis confinée à Marseille avec mon père dans la maison familiale. J’en profite pour faire du jardinage, chose que je ne peux pas faire à Paris. Je fais de la couture, de la musique, je dessine. Je bosse aussi sur l’affiche d’un nouveau spectacle que nous avons co-écrit avec Hervé Devolder « La crème de Normandie ». L’un de mes dessins y figurera peut-être.
Qu’est ce qui vous manque le plus durant cette période surréaliste ?
Mes amis me manquent beaucoup, la vie sociale en général…et les hommes haha !
Quelle va être la première chose que vous allez faire après le confinement ?
J’aurais bien dit, boire un café dans un bistrot (c’est un de mes petits rituels que j’adore), mais cela ne sera pas encore possible. Me balader plus d’une heure ! Dans la ville…ne pas rentrer chez moi de la journée.
Auriez-vous un livre à conseiller à nos internautes pour les faire encore un peu patienter ?
J’ai lu récemment « Le confident » d’Hélène Gremillon. C’est son premier roman. J’ai complètement été embarqué dans cette histoire qui raconte la vie d’une femme recevant une lettre d’un inconnu après la mort de sa mère… J’ai dévoré l’ouvrage !
Florence Gopikian Yérémian
Pour découvrir les ballades de Milena Marinelli, rendez-vous sur sa page Facebook :
https://www.facebook.com/milena.marinelli.7/videos/10219010357864752/
Mais aussi sur YouTube pour cette très belle interprétation de “Je marche dans Paris”
Photos : ©HervéDevolder, ©AlejandroGuerrero, ©SimonLarvaron