Véritable passionnée et journaliste vin pour Le Monde, Ophélie Neiman vient de republier Le vin pour ceux qui n’y connaissent rien, dont nous avons parlé la semaine dernière. Elle y dépeint un vin ludique et accessible en décomplexant la dégustation avec une jolie dose d’humour. Conversation.
MY : Pourquoi le vin ? Qu’est-ce qui vous y a mené ?
ON : Le hasard d’un parcours ! J’ai fait des études de journalisme très classique et j’étais pigiste quand j’ai commencé un blog sur le vin en 2009. Initialement c’était pour passer le temps. Comme mon père était très amateur, on avait une cave à la maison, j’avais une sensibilité mais je n’y connaissais pas grand-chose. Moins que mes lecteurs au début d’ailleurs !
Mais l’image et le traitement austère que je voyais du vin à l’époque ne me parlaient pas du tout, c’était trop sérieux. J’ai souhaité contourner ça pour parler du vin simplement, comme je pouvais en parler à mes amis. Retirer tout élitisme.
Vous avez donc tout appris « sur le tas » ?
ON : Exactement ! Et je dédie aujourd’hui toute mon activité au vin. J’ai juste fait quelques stages d’analyses sensorielles pour apprendre à déguster le plus objectivement possible.
Vous écrivez pour le Monde. De quoi est fait le quotidien d’une journaliste en vin ?
ON : Cela dépend beaucoup des jours.
Il y a certaines journées qui me plaisent vraiment même si elles sont assez éprouvantes. On se retrouve à 9h du matin chez un caviste pour goûter 300 échantillons. On prend des notes, on tente de déterminer le profil des vins… et de temps en temps, il y en a un que l’on trouve génial. J’adore me lever pour goûter du vin ! On passe juste quelques minutes avec lui, pour essayer de faire sa connaissance… C’est comme essayer plein de vêtements lors d’un virée shopping et tomber sur un coup de cœur.
Il y a aussi les reportages dans les vignobles, où l’on apprend énormément.
Et puis écrire ! J’avoue que j’ai parfois l’angoisse de la page blanche, je trouve que la vidéo est parfois plus souple pour parler vin.
Vous avez déjà publié Le vin c’est pas sorcier en 2016, qui a eu un très beau succès. Un mot sur Le vin pour ceux qui n’y connaissent rien?
ON : J’ai une vraie tendresse pour ce livre, il est écrit comme mon blog, pour décontracter les lecteurs, leur donner confiance en eux.
Un vin qui vous a ému ?
ON : C’est indéniablement un Cros Parantoux 1995. Ce 1er cru de Vosne-Romanée est devenu mythique, il a été produit par un vigneron de légende, Henri Jayer, dont les bouteilles s’arrachent aujourd’hui à 15 000 euros…
Mon père en avait quelques-unes achetées bien avant que les prix ne s’enflamment. Il avait 20 ans d’âge quand il a décidé de nous le servir en cachant la bouteille. Tout le monde parlait autour de la table, et puis soudain je me suis tue. On a juste souri face à tant de beauté et d’élégance prises en pleine figure. Je pense que jamais un vin ne me procurera autant d’émotion.
Un vin qui vous a surpris ?
ON : Le champagne de façon générale. Je n’aimais pas tellement ça quand j’ai commencé. Mais en dégustant, j’ai vite été surprise par la diversité de ces vins, très puissants parfois, oxydatifs d’autres … J’ai découvert un vignoble hallucinant et plein de nuances.
Quelle destination conseilleriez-vous à des néophytes pour un premier voyage viticole ?
ON : J’ai envie de suggérer deux voyages.
Le premier en Beaujolais. Peu cher, c’est idéal pour commencer et surtout revenir sur le cliché du mauvais vin !
Il y a un cépage principal, le gamay, ce qui permet de se lancer facilement. Et on peut entrer graduellement dans la hiérarchie des appellations en commençant en Beaujolais village pour arriver aux premiers crus et découvrir des pépites.
Je conseille aussi le Jura pour sa diversité. Les vaches s’y baladent entre les parcelles, c’est un vignoble petit et ravissant. C’est parfait car on peut retrouver toute la gamme chez un même producteur : crémant, blanc classique, blanc typique, jaune, rosé, rouge, sucré ! Il suffit même de se rendre sur la place d’Arbois pour aller déguster chez les cavistes.
La dernière bouteille que vous ayez dégustée ?
ON : J’ai récemment dégusté de nombreux rosés. Château Margüi, m’a particulièrement surprise. Ce rosé très pâle et bio s’est révélé citronné, minéral et magnifiquement raciné. De plus, j’ai découvert qu’il faisait partie des Skywalker Vineyards, les vignobles de George Lucas. Un vin aussi aérien que le Falcon Millennium !