Le mois dernier nous vous invitions à découvrir Toute la France dessine, un projet autour de la Bande Dessinée mené par Pierre Lungheretti, le directeur de la Cité Internationale de la BD d’Angoulême. Aujourd’hui, nous avons le plaisir de rencontrer l’un des plus célébres dessinateurs participants à cette belle initiative : Frank Margerin. Créateur de l’iconique Lucien, il nous raconte son parcours avec autant d’humour que de franchise.

Frank Margerin - symanews - BD - Bande dessinée - toute la france dessine - harley - lucien - metal hurlant - hippocampe - rock - angouleme Célia Soumet : Vous êtes une figure emblématique de la BD française, et le personnage de Lucien est un symbole de la jeunesse rebelle des années 80, Comment l’avez-vous conçu ? De qui vous êtes-vous inspiré ?

Frank Margerin : Merci d’abord pour le compliment, j’ai conçu Lucien, ainsi que toute sa bande, pour un numéro « Spécial Rock » de Métal Hurlant en 79. Je me suis inspiré des répétitions auxquelles je participais avec le groupe de rock « Los Crados » que nous avions créé dans les années 70 avec des copains des Arts’A, et dont Denis Sire était le chanteur.

Souhaitiez-vous devenir auteur de BD dès votre jeune âge ? Est-ce le dessin ou l’aspect humoristique qui vous a séduit ?

En fait, je ne me posais pas la question étant jeune, j’adorais dessiner et lire des BD, l’association des deux s’est faite naturellement. J’aimais beaucoup faire rire les copains, faire le pitre, si je n’avais pas aimé le dessin, j’aurais fait comique, ou un truc comme ça.

Frank Margerin - symanews - BD - Bande dessinée - toute la france dessine - harley - lucien - metal hurlant - hippocampe - rock - angouleme Comment concevez-vous vos œuvres? Écrivez-vous d’abord consciencieusement tout le texte? Partez-vous d’un souvenir ? D’un dessin ?

Je pars souvent d’une situation vécue, une galère de préférence, et je la décline en en rajoutant un peu, bien sûr. Je n’écris pas vraiment de scénario, je note juste des gags, des dialogues et fais plein de crobards. Quand je sens que j’ai de la matière, j’attaque en improvisant et trouve souvent la chute au dernier moment.

Après 40 années de création, éprouvez-vous toujours autant de plaisir à dessiner ? La peinture ou d’autres formes artistiques ne vous attirent-elles pas ?

J’éprouve toujours du plaisir à dessiner mais il faut que je sois inspiré. Si on me demande de dessiner quelque chose qui ne m’amuse pas, alors ça devient vite une corvée et mon dessin s’en ressent. Par contre si le sujet me plait, j’ai toujours une jubilation qui me fait ne pas sentir passer les heures. J’aurais bien sûr aimé toucher à toutes formes d’expressions artistiques, j’ai eu la chance d’avoir fait l’école des Arts’A dans ma jeunesse, on y apprenait un peu toutes les techniques de la peinture, la sculpture, etc… Mais il est difficile de faire bien plusieurs choses à la fois. Mon père était peintre décorateur et ma mère faisait des portraits au crayon, j’ai choisi la BD, plus facile pour moi, qui me permettait de raconter des histoires et de toucher un large public avec des moyens modestes

Vous venez de participer à Toute la France dessine, pouvez-vous nous en dire plus sur ce concept ?

C’est une initiative lancée par la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême pour l’année de la BD. Le principe était de dessiner deux cases pour un strip de quatre cases, les deux dernières étant proposées aux internautes pour finir l’histoire…

Frank Margerin - symanews - BD - Bande dessinée - toute la france dessine - harley - lucien - metal hurlant - hippocampe - rock - angouleme

Vous êtes également vice-président de l’association l’Hippocampe, qui développe l’insertion professionnelle et culturelle des personnes handicapées, comment avez-vous pris part à ce beau combat ? Quelles en sont concrètement les actions ?

J’ai succédé à Edmond Baudoin, il y a maintenant pas loin de 20 ans. Mireille Malot, la présidente de l’association, m’a rencontré un jour et demandé de parrainer le concours de BD réservé aux personnes en situation d’handicap qu’elle organisait chaque année. Je n’étais pas particulièrement impliqué dans ce combat, n’ayant pas parmi mes proches de personnes handicapées mais la cause m’a parue bonne et intéressante. Frank Margerin - symanews - BD - Bande dessinée - toute la france dessine - harley - lucien - metal hurlant - hippocampe - rock - angouleme J’ai découvert le monde du handicap et je me suis beaucoup attaché à ces personnes qui ont une force intérieure et une joie de vivre incroyable, ils  vous donnent une leçon de courage,  après on voit la vie autrement. Je fais l’affiche qui annonce le thème et préside avec mon confrère et ami Olivier Jouvray le jury chaque année. Ce concours est à chaque fois l’occasion de vérifier que le handicap n’empêche pas le talent. Il a aussi permis la création d’un ESAT image-arts graphique qui emploie à plein temps de jeunes lauréats.

Selon-vous, la bande dessinée peut-elle améliorer le quotidien des gens ?

La bande dessinée est un média populaire, à travers lequel on peut faire passer toutes sortes de messages, de l’humour, de la critique sociale, de l’aventure, faire rire, rêver ou réfléchir, tout le monde peut y trouver son compte. Il  y a maintenant tellement d’auteurs talentueux et de styles différents qu’on ne peut plus ignorer ou mépriser ce genre de littérature, comme on l’a tant fait autrefois.

Quelle est votre actualité : une nouvelle BD est en cours ? Un nouveau personnage ?

Frank Margerin - symanews - BD - Bande dessinée - toute la france dessine - harley - lucien - metal hurlant - hippocampe - rock - angouleme Je viens de sortir, avec mon ami et scénariste Marc Cuadrado, le tome 6 de la série « Je veux une Harley ». Maintenant j’envisage de reprendre mon personnage de Lucien que j’ai délaissé depuis 8 ans. Parallèlement, j’ai une expo itinérante « Faites du Rock avec Lucien », conçue par l’association « L’empreinte du Rock » qui tourne en France et me permet d’aller à la rencontre de mes lecteurs pour leur parler de mon travail et leur montrer des dessins et croquis parfois inédits.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune auteur/dessinateur qui voudrait se lancer dans la bande dessinée aujourd’hui ?

Laissez tomber !!! Non, j’rigole, mais c’est vrai que ça devient de plus en plus difficile de vivre de ce métier. Trop d’auteurs, trop peu de visibilité et plus de fonds dans les librairies, (plus de cent nouveautés par semaine), et très peu de supports, journaux, magazines, pour pré-publier les BD.  Mais si on est passionné, si on est prêt à bosser tout le temps sans compter ses heures et qu’on y croit très fort, il faut foncer, c’est un métier merveilleux qui vous rendra très heureux.

Frank Margerin - symanews - BD - Bande dessinée - toute la france dessine - harley - lucien - metal hurlant - hippocampe - rock - angouleme

 

Retrouvez les strips de Frank Margerin sur les réseaux avec #Toutelafrancedessine !

 

Célia Soumet est étudiante au Conservatoire Libre du Cinéma Français (CLCF de Paris). Née à Casablanca, elle y a suivi son cursus scolaire et musical avant de venir s’installer en France. Après un premier diplôme en Lettres Modernes à la Sorbonne, elle s’est orientée vers le 7e Art. Passionnée de musique, de cinéma, de jeu vidéo et d’anime, elle fait aujourd’hui partie des jeunes chroniqueurs culturels de SYMA News.