Toujours à l’affut d’ouvrages en rapport avec le jeu vidéo, Mana books s’intéresse cet été à Odin Sphere. Le jeu de rôle remarquable de Vanillaware avait en effet fait l’objet d’une adaptation en manga sur trois volumes, de 2016 à 2018. C’est donc la première partie qui est arrivée en français en juillet, mais pour l’occasion, on a lu les trois volumes afin de produire un avis complet.
Le manga Odin Sphere a la particularité de se centrer sur un seul des cinq personnages principaux du remaster Odin Sphere Leifþrasir, la jeune reine des fées Mercedes. Un scénario assez tragique mais empreint d’émotion et d’héroïsme, des sentiments qui sont encore mieux retranscrits par le dynamisme du dessin et la mise en page souvent admirable. Propulsée sur le trône dans la douleur et les conflits, Mercedes a subitement tout le poids de son royaume sur les épaules. Alors que les armées du roi-démon approchent, elle doit remettre sur pied un pays affaibli et divisé.
Une réussite dans la forme…
Tomoyuki Hino réussit là de très belles pages avec de très grands moment de bravoure, de l’humour aussi, mais surtout cet esprit de justice et de compassion qui anime l’héroïne. Le format de trilogie semble adapté à cette ligne scénaristique : Odin Sphere n’est ni trop long, ni trop court et illustre bien les étapes de l’odyssée de Mercedes ainsi que celles de son évolution en tant que personnage. Le mangaka maîtrise son art, et semble bien plus en forme ici que des Ore dake haireru donjon, la série qui l’occupe actuellement.
Le manga Odin Sphere est manichéen, mais ce n’est pas là spécialement un défaut. La série décrit une confrontation entre le Bien et le Mal au sens noble de l’heroic fantasy, comme le ferait Tolkien par exemple. La juxtaposition d’un Odin destructeur et d’une Mercedes protectrice donne au grande beauté au récit. Les multiples défis auxquels fait face l’héroïne va aussi dans le sens d’un conte riche et cohérent.
… mais une adaptation qui manque d’ambition
Le problème est qu’en l’état, le manga manque d’une vraie progression narrative : on passe d’un chapitre à l’autre comme on passe d’un niveau à l’autre. Ca marche dans un jeu vidéo, mais pas dans un livre, qui souffre du caractère décousu de l’aventure de Mercedes extraite seule de Odin Sphere Leifþrasir. Le fait est que le titre d’origine comporte cinq héros différents, et que sa richesse narrative découlent de ces différentes histoires qui s’entrecroisent. On a l’impression d’assister à une saga dont on ne verrait qu’une toute petite partie, ce qui assez frustrant, surtout vers la fin. Il est intéressant ici de constater que Mana Books ne reprend pas le sous-titre du manga, chiisa na yôsei joô, pourtant bien présent sur la couverture japonaise pour bien marquer les limites de l’œuvre.
Aucune objection en revanche sur la graphisme, des décors comme des personnages. Le format papier est l’occasion de retrouver le design onirique de Vanillaware en encore plus frappant. Dans tous les royaumes décrits, on retrouve bien la magie de l’original. La conclusion, par ailleurs, est tout bonnement magnifique.
Si Odin Sphere sur papier garde pas mal de bon côtés, ce n’est pas le manga le plus représentatif de son œuvre original. L’absence de toute suite donnée à l’adaptation en livre conduit à une vision certes séduisante, mais assez insuffisante de l’univers médiéval fantastique bâti par Vanillaware. Ayant des qualités graphiques certaines mais aussi ses redondances, Odin Sphere est une adaptation inégale mais qui reste intéressante.
Odin Sphere
Editeur : Mana Books
Genre : Aventure, heroic fantasy
Sortie en France : 9 juillet 2020 (série en cours)