« Parce que l’avenir appartient à celles que l’on aime trop » écrivait poétiquement Grand Corps Malade il y a quelques semaines pour annoncer son grand retour avec «Mesdames ». Un album exceptionnel fait de duos féminins. Un projet d’échanges, et d’histoires universelles racontées par le slameur et neuf artistes talentueuses d’horizons différents. Chronique musicale.
La femme à l’honneur
C’est un disque fait « pour ne pas seulement parler des femmes mais aussi pour les entendre ». Une belle façon pour Grand Corps Malade, qui a toujours été attentif à leur condition humaine, d’honorer ces êtres si rarement appréciés à leur juste valeur. Un fervent défenseur de l’égalité, qui s’est conforté dans son idée à l’éclosion de mouvements comme #MeToo ou #BalanceTonPorc. Un engagement qui a mûri, concrétisé avec l’arrivée de « Mesdames » construit avec et autour de neuf artistes féminines.
Des chanteuses, musiciennes, actrices et jeunes talents, qu’il honore dignement sur le titre du même nom, introduisant dignement cet opus. Plus qu’une simple mise en lumière, une véritable déclaration universelle à toutes ces femmes, connues ou anonymes, de tous âges et tous horizons. « Veuillez accepter Mesdames ces quelques mots comme hommage » débute humblement l’artiste. Un homme classe, clamant son admiration à ces reines si inspirantes et lumineuses. « Vous êtes nos muses, nos influences, notre motivation et nos vices » débitent-ils en saluant la force de caractère et l’humanité de toutes ces mères, sœurs ou filles, à travers sa seule piste en solo.
« Une sœur » incarnée pour l’heure par Véronique Sanson au sein d’une histoire familiale touchante. Un hymne fraternel en souvenir d’une ainée, incarnant là plus qu’un exemple, un guide sur le chemin de l’accomplissement.
Des duos uniques, partagés avec un casting d’anthologie. Des titres sur-mesure, élaborés avec chacune d’entre elles. Des morceaux, développés à quatre mains, à partir d’une rencontre, suivi d’un accord à faire équipe et d’un questionnement sur le thème à évoquer. Des associations coups de coeur, amicales, sincères et vibrantes. À une exception près, Fabien Marsaud n’est jamais arrivé avec un texte couché sur du papier.
Et l’exception c’est elle : Camille Lelouche, à l’origine du lead-single « Mais je t’aime ». Une ballade commencée par l’humoriste, qui a repris vie autour d’un piano lors d’un moment privilégié entre les deux complices. Une pépite poignante contant une histoire d’amour tumultueuse de manière totalement saisissante.
Egalité et éclectisme
Loin de n’être qu’une simple parenthèse, « Mesdames » est un album comme un autre, à part entière. Un disque éclectique à l’image des différents talents qui le constituent. Dix scénarios bien distincts, universels, inspirés et ancrés dans la réalité. Des duos équitablement répartis, où personne ne cherche à prendre le pas sur l’autre. Des chansons d’univers musicaux et thèmes variés, correspondant à la personnalité de chaque artiste.
Avec beaucoup de finesse et de sensibilité, Louane et Grand Corps Malade s’accordent sur le délicat « Derrière le brouillard ». Une douceur où s’entremêlement leur histoires personnelles si différentes, et pourtant toutes deux élevées par leur passion pour la musique.
Changement d’ambiance avec le surprenant « Un verre à la main » au cours duquel Laura Smet narre l’histoire d’un rendez-vous manqué. Passer derrière le micro, une grande première pour l’actrice qui s’est prêtée à l’exercice avec beaucoup d’enthousiasme.
Que feriez-vous si vous vous retrouviez « Pendant 24H » dans le corps du sexe opposé ? C’est la question surprenante que se posent Grand Corps Malade et Suzane. Un hit détonnant, se jouant des clichés sur les uns et sur les autres, où la gente masculine et la gente féminine en prennent chacun pour leur grade à coup de tacles remplis de second degré. « Vingt-quatre heures dans la peau d’une femme, je comprendrai la charge mentale, A seize heure trente-cinq pile, j’arrêterai de travailler, Vu qu’après quand t’es une femme, et ben t’es plus payée » débite le slameur. « J’boirai du whisky pour me mettre à l’aise, Sans coca, sans glaçon comme les mecs balaises, J’irai draguer une fille mais y aura pas d’malaise » rapplique la tornade rousse sur un tempo électro-punchy.
De douces révélations
Pas forcément nécessaire d’avoir des années d’expérience derrière soi pour avoir de quoi raconter. Une chose que Grand Corps Malade a bien compris. Un artiste qui du haut de ses presque 15 ans de carrière, se plaît à partager l’affiche aussi bien avec la monumentale Véronique Sanson, qu’avec des jeunes talents.
Sur un même pied d’égalité, il partage « Chemins de traverse » avec les sœurs prodiges Julie & Camille Berthollet.
Regrettant la responsabilité de l’État à laisser perdurer bien des maux dans certains quartiers en compagnie de la jeune rappeuse Alicia sur le percutant « Enfants du désordre ».
L’occasion de brasser bien des générations d’auditeurs et de viser tout le monde avec des thèmes fédérateurs et concernants .
À l’image du titre d’actualité « Confinés » partagé avec Manon, une adolescente remarquée dans le concours « Slam à l’école ».
Avant l’audacieux « Je ne serai que de trop » sur les histoires sans lendemain évoquées par Amuse Bouche. La petite cerise sur le gâteau, venant clôturer cet album si délicieux, prouvant une fois de plus qu’hommes et femmes unis donnent toujours lieu à de magnifiques choses.
Coups de coeur : Derrière le brouillard / Pendant 24H / Mais je t’aime / Chemins de traverse
DROUIN ALICIA