L’affaire Dupont de Ligonnès. Un fait divers macabre, resté en suspens, captivant le public depuis neuf ans déjà. Un drame terrible, faisant depuis l’objet de nombreux documentaires et même des téléfilms. Dernier format en date « Un homme ordinaire » lancé ce soir sur M6. Une fiction librement inspirée de la réalité, qui s’est penchée de près sur la personnalité aussi glaçante que complexe du principal suspect.
Mi-fiction mi-réalité
Avril 2011 : cinq corps, une femme et ses quatre enfants sont retrouvés enfouis sous la terrasse de leur habitation à Nantes. Manque à l’appel le père de famille Xavier Dupont De Ligonnés, déclaré alors principal suspect des crimes. Un crime effroyable, jamais vu ou presque. 40 ans avant, un américain nommé John List abat froidement sa mère, sa femme, et ses enfants. Avant de prendre la fuite et de se forger une nouvelle identité lui permettant d’échapper à la justice pendant près de 18 ans. C’est justement un reportage sur cet individus, qui a inspiré à Pierre Aknine, à l’origine de la série « Un homme ordinaire ».
Une fiction librement inspirée de l’affaire Dupont De Ligonnès. « Les faits que nous racontons sont avérés par la police et réalistes » affirme d’ailleurs le réalisateur et créateur du programme.
Une équipe de production qui a débuté son long cheminement par des mois d’apprentissage. Près d’un an à décrypter le moindre élément de l’affaire, visionner des documentaires, interroger les professionnels en charge de l’enquête, et consulter des documents officiels. Une immersion totale, pour coller au mieux avec la réalité des faits. Le but : apprendre des choses au public, tout en pointant du doigt ces incompréhensions et éléments troublants persistants.
« Chaque situation amorcée est vraie » poursuit l’équipe qui souhaite avec ce procédé ne pas laisser se perdre les téléspectateur.
Un récit cependant moins factuel, un poil romancé, pour plus de liberté d’interprétation personnelle.
Le nom de la famille est par exemple changé. Et le personnage capital du hackeur professionnel, incarné par une femme.
Se servir du réel comme un socle solide de départ, pour tourner autour en maintenant la présomption d’innocence, qui demeure encore malgré tout.
« Rien n’est assuré, tout peut être imaginé » soutient Anne Badel, qui a co-écrit le scénario avec son compagnon. Y voyant là aussi une certaine prise de risque dans leur choix, quand demeurent en parallèle un panel de multiples possibilités évoquées.
Pour eux pas de doute sur la culpabilité de Xavier Dupont De Ligonnès. « Si il ne l’était pas, pourquoi on ne l’aurait pas retrouvé ? » s’interrogent-ils comme de nombreux individus. Regrettant là une enquête trop vite actée, sans trace d’ADN retrouvée et des corps incinérés après seulement 5 jours. Déplorant aussi ces pistes pas suffisamment creusées, comme la découverte d’une serpillère encore humide, quasi une semaine après les faits. Et si le tueur était revenu sur les lieux pour nettoyer les dernières traces, et si il avait un complice ? Autant de questions qui subsistent et qui justifie la partie créative de cette fiction. Trois épisodes à la frontière du réel, relatant les faits et un dernier totalement romancé nettement plus hypothétique, fruit des recherches de l’équipe de production.
Dans la tête d’un personnage trouble
La seconde idée principale de cette fiction, c’est aussi de comprendre comment « Un homme ordinaire » devient si « extraordinaire ».
D’élucider ce qui a pu se passer dans sa tête au moment des faits, et même en amont de son acte si minutieux et vraisemblablement prémédité.
Rien de mieux pour ça que de se pencher sur le passé de ce personnage obscur et ambivalent interprété pour l’heure par Arnaud Ducret. Jusqu’à aller puiser dans sa plus tendre enfance, sur les bancs de l’Église. Un être qui a grandi, fasciné par la religion, avant de se perdre. Une fois pourtant qui ne l’a jamais quitté. En témoigne les centaines de messages laissés sur des forums retrouvés, dont un parlait du sacrifice humain. Un père de famille à la fois aimant mais si froid aussi. Un homme dur au quotidien, dans ses mots, dans son comportement aussi.
À l’image du livre de compte qu’il tenait pour savoir combien précisément chaque membre de la famille lui coutait par jour. Un mari ambigu aussi, violent verbalement, qui entretenait de son côté une relation extra-conjugale. Et un entrepreneur qui a échoué.
« Il a loupé sa vie, mais réussi sa disparition » reconnaît Pierre Aknine. N’y voyant que de l’incompréhension sur son prétendu geste radical et irrémédiable. Montrer ce trop plein de charges qui pèsent contre lui, sa fuite aussi, jusqu’à sa dernière trace physique, immortalisée par une caméra de surveillance d’un hôtel. Un parcours fascinant de A à Z où subsiste bien des zones d’ombres. Un doute qui foisonne ce personnage sombre devenu star médiatique malgré tout. « Mort ou vif, il a gagné » conclut Pierre Aknine.
DROUIN ALICIA