Philip K. ou la fille aux cheveux noirs
Cette pièce signée et interprétée par Julien Villa s’inspire de la vie de Philip K. Dick. Que vous soyez amateur de Science Fiction ou pas, vous ne pouvez que connaître les œuvres de cet auteur américain qui, pour la plupart, ont été adaptées au cinéma : entre Blade Runner, Total Recall ou Minority Report, difficile de passer à côté de l’imagination fertile et visionnaire de ce génie littéraire.
Fasciné par son univers, le comédien Julien villa a voulu en savoir davantage sur cet être singulier et s’est penché au cœur des arcanes existentielles de Philip K. : de ses études à Berkeley à ses bad trips au LSD, en passant par son obsession pour sa sœur jumelle décédée à la naissance, il a choisi d’explorer le côté obscur de l’écrivain pour en extraire avec talent toutes ses névroses.
Philip K. et les théories du complot
La pièce prend place dans la chambre de Philip K à l’université de Berkeley. Jeune étudiant emporté dans la mouvance des Seventies, Philip K. vit sous amphétamines entouré d’une bande de squatteurs rocambolesques. Entre un camé, un vétéran du Vietnam, une séduisante hippie et sa mère Dorothy, il passe ses journées à écrire des romans d’anticipation tout en se sentant menacé par la réélection de Nixon. Persuadé qu’un de ses manuscrits a été dérobé par les Républicains, il s’imagine victime d’une théorie du complot et n’a de cesse de s’y enfoncer.
Un huis clos anxiogène
Basculant entre l’imagination et la réalité, la mise en scène de Julien Villa est assez déstabilisante. En effet, parallèlement aux errances mentales de Philip K., on voit errer sur scène toutes sortes de personnages plus ou moins fous qui se confondent avec les androïdes et les réplicants de ses romans. Construite à huis clos sous une lumière sombre, cette pièce nous interroge sur la notion d’exister mais aussi sur notre conscience, nos émotions ou nos souvenirs. A la fois pétrie de mélancolie et de whisky, elle nous transporte avec nervosité dans l’esprit visionnaire de Philip K. et dans son insatiable quête de vérité.
Julien Villa : un paranoïaque vertigineux
Le spectacle est dense, obsessionnel et kafkaïen. Il respire la poudre, le mal-être et parfois même la confusion, mais l’on s’accroche car le comédien-metteur en scène Julien Villa est excellent dans le rôle de Philip K. à qui il prête sa figure frêle et détraquée.
Avec son vieux peignoir délavé, sa voix geignarde et sa barbe de dix jours, il nous fait songer à un dément désespéré qui pense que tout n’est qu’illusion et s’enferme progressivement dans une paranoïa destructrice.
À ses côtés, saluons la prestation de Noémie Zurletti en mère carnivore ainsi que le talent de Nicolas Giret-Famin qui confère à ses multiples personnages autant de superbe que d’ambiguïté.
Dans son ensemble, la pièce s’égare un peu trop dans la folie paranoïaque de K. Dick mais l’on peut apprécier cette approche hallucinatoire et psychédélique car elle remet en question nos certitudes. En quittant la salle vous vous demanderez peut-être si vous existez vraiment et, pourquoi pas, si les androïdes rêvent de moutons électriques…
Florence Gopikian Yérémian
Philip K. ou la fille aux cheveux noirs
D’après Philip K.Dick
Pièce écrite au plateau à partir de textes de Julien Villa
Avec Vincent Arot, Laurent Barbot, Benoit Carré, Nicolas Giret-Famin, Julien Villa, Lou Wenzel et Noémie Zurletti
Théâtre « La Tempête hors les murs »
L’accueil se fait au Théâtre de l’Aquarium de la Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
Paris 12e
T. 0143283636
Jusqu’au 1er Octobre 2020
Du mardi au samedi à 20h30
Le dimanche à 16h30
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Photos : ©Ph. Lebruman