On savait que ces 36èmes Victoires de la Musique auraient une saveur particulière en cette crise sanitaire. Une cérémonie repensée pout l’occasion, marquée par des performances charismatiques et discours plus engagés que jamais.
Messages de soutien à l’industrie culturelle
« Envoyer un message de solidarité au spectacle vivant » tel était l’objectif principal de l’édition 2021 des Victoires de la Musique. Offrir au-delà des trophées, un véritable coup de projecteur sur le paysage musical et l’ensemble de ses corps de métiers. Un contexte pesant et douloureux ancrée à cette soirée si particulière rythmée de magnétos annonçant le grand retour sur scène en 2021 d’une flopée d’artistes. Intégré d’entrée de jeu par le discours de Jean-Louis Aubert, dans son costume de président d’honneur. Un rôle qu’il n’a pas pris à la légère, s’exprimant sans sourciller. « Je profite de la présence ou de l’absence de Madame la Ministre de la culture (Roselyne Bachelot) pour ne rien réclamer» a-t-il introduit. « Quand j’ai commencé la musique je ne pensais pas que l’État y était mêlé en quoi que ce soit » a-t-il piqué au vif, avant de partager son total soutien aux différents corps de métier qui l’entourent. « Tout ce que je demande c’est de continuer de prendre soin de ceux autours de nous. Musiciens, équipes techniques, organisateurs de spectacle… juste le temps que nous puissions reprendre la route » a-t-il revendiqué avec compassion. Appuyant sur son envie de remonter sur scène. « Vivement que les artistes présents ce soir et moi même nous nous retrouvions sur les routes de France. Pour fêter la joie du retour de notre liberté retrouvée ! C’est pour bientôt, cet été c’est bon » » a-t-il conclut avec espoir.
Plus strident encore, Benjamin Biolay n’a pu retenir ses reproches à l’égard des politiques en venant récupérer son prix « d’artiste masculin de l’année ». Communiquant son bouleversement face à cette année selon lui « pas très victorieuse pour la musique ». Regrettant amèrement ce « silence étourdissant des pouvoirs publics et gens censés êtres nos ministres de tutelle ». Ne demandant qu’à être écouté. « Evidemment on est des gens sérieux, on ne fera pas n’importe quoi » a-t-il assuré sans s’éterniser sur le sujet. Des déclarations furtives mais fortes.
Plus poignant encore, le plaidoyer poignant de Thomas Savy, musicien de l’orchestre. Une intervention symbolique en l’honneur de tous ce corps professionnel de terrain en grande souffrance. « Madame la ministre de la Culture, n’entendez-vous pas l’inquiétude qui tourne au désespoir ? Comment vivre sans exercer son art quand c’est le choix de toute une vie ? » a-t-il déploré, en appuyant sur les difficultés financières auxquels doivent faire face lui et ses camarades. Manifestant leur besoin vital de voir prolonger leurs droits financiers.
Une ministre de la culture présente ce soir là, restée silencieuse et absente de l’écran qui a préféré exprimer son soutien en coulisses. Assurant à l’AFP travailler «d’arrache-pied de jour comme de nuit » avec les artistes « pour bâtir un modèle résilient qui va nous permettre de traverser cette crise ».
L’édition de tous les débats
« Une année de faille » désolante pour Pomme. Une révélation qui en a profité pour se faire la porte-parole de toutes ses consœurs du métier. « J’espère que cette industrie sera de plus en plus safe pour les femmes, et que cette nouvelle génération saura s’imposer et renverser les codes qui ne sont pas toujours faciles pour elles » a-t-elle déclaré.
Une génération unie et mobilisée à se faire entendre. Représentée entre autre par l’intrépide Suzane, ou encore par Camélia Jordana ou Yseult réputées pour leur militantisme certain. Cette dernière ayant pris le temps de partager ses combats contre le racisme et la grossophobie. Sans mâcher ses mots, l’interprète a développé avec colère ses fléaux dont elle se sent victime depuis ses débuts dans la musique. « Le chemin est long en tant que femme noir, long et sinueux en tant que femme grosse, femme oubliée par la société… » a affirmé l’interprète de « Corps » hymne à l’acceptation de soi. «J’ai l’impression que nous, les personnes faisant parties des minorités, des personnes racisées.. on doit quelque chose à la France, mais qu’est ce qu’on doit en fait ? » a-t-elle fustigé, créant la stupeur sur la toile. Saluant à son tour le courage de toutes les femmes fortes, qui se battent au quotidien pour exister. « Notre colère est légitime et je voudrais que toute la France l’entende » a-t-elle clôturé avant de repartir avec son trophée de « révélation féminine de l’année ».
Quand sans même parler, Julien Doré a bouleversé avec sa prestation de « Nous » entouré de choeurs d’enfants masqués.
Face aux artistes ce soir là, des spectateurs directement concernés par les différents combats abordés au cours de la cérémonie. Un auditoire symbolique composé de figurants intermittents et staff des invités. Un comité restreint installé selon un protocole sanitaire strict. Tests en amont, masques pour tous, et fauteuils d’écart entre deux voisins de rangée. Une configuration qui n’a pourtant pas manqué de faire réagir les internautes dans l’incompréhension totale. « Donc en fait quand c’est les Victoires, on peut organiser un concert avec un protocole sanitaire, mais sinon toutes les salles en France restent fermées… » s’agaçait une internaute. Quand un autre s’exaspérait de constater de trop nombreuses embrassades parfois sans retenue entre les participants et leurs accompagnants. Quand d’autres y voient un espoir bien que le concert test qui avait été envisagé ait été décliné par les autorités. Une question en tout cas qui divise, passionne et totalement légitime d’un public qui ne demande qu’à pouvoir applaudir à nouveau de vive voix le monde de la culture.
Le palmarès :
Artiste masculin
Benjamin Biolay
Gaël Faye
Vianney
Artiste féminine
Aya Nakamura
Pomme
Suzane
Révélation masculine
Hatik
Hervé
Noé Preszom
Révélation féminine
Clou
Lous and the Yakuza
Yseult
Album
« Aimée » – Julien Dorée
« Grand Prix » – Benjamin Biolay
« Lundi méchant » – Gaël Faye
« Mesdames » – Grand Corps Malade
« Paradis » – Ben Mazué
Chanson originale
« Comme est ta peine » – Benjamin Biolay
« Corps » – Yseult
« Facile » – Camelia Jordana
« La maison de retraite » – Michel Jonasz
« Mais je t’aime » – Grand Corps Malade et Camille Lellouche
Création audiovisuelle
Goliath – Woodkid (Réalisateur : Woodkid)
La vita nuova – Christine and the Queens (Réalisateur : Colin Solal Cardo
Nous – Julien Doré (Réalisateur : Brice Vdh)
Chanson la plus streamée
« Ne reviens pas » Gradur et Heuss l’Enfoiré
DROUIN ALICIA