À l’occasion des Journées du Patrimoine, allez faire un tour du côté de Versailles : le Potager du Roi vous y attend avec ses courges d’automne, ses allées de pommiers et ses sympathiques jardiniers. Conçus en 1678 par Jean-Baptiste de La Quintinie à la demande de Louis XIV, ces neuf hectares de culture abritent aujourd’hui l’École Nationale Supérieure de Paysage, un lieu hors du temps.
Comment se répartit le potager ?
Le centre est essentiellement consacré à la culture légumière. Il est entouré d’arbres fruitiers (Pommiers, poiriers et pêchers) et de onze parcelles de terre qui ont été remodelées selon les époques. Au fil des allées, vous pouvez aussi voir la maison de La Quintinie, la Grille du Roi, le rucher, la nouvelle portion dédiée aux asperges et celles des étudiants de l’école de paysage.
On y trouve aussi une « figuerie » ?
Tout à fait. A l’exemple de l’Orangerie de Versailles, La Quintinie avait conçu un bâtiment pour pouvoir rentrer et sortir les figuiers du roi en fonction du climat. Comme chacun sait, Louis XIV s’était fait casser l’os du palais par l’un de ses dentistes et il ne pouvait plus manger d’aliment dur. De nature gourmande, le roi demandait donc à son jardinier de cultiver des figues et des fraises en toutes saisons.
Parlez-nous de La Quintinie
C’était un avocat. À l’époque, on appelait ça « un homme de loi ». Il a fait un voyage en Italie et en est revenu illuminé par la botanique et la beauté des jardins. Il a alors commencé à travailler à Vaux-le-Vicomte auprès de Fouquet et, une fois de plus, Louis XIV se l’est accaparé. Le roi a demandé à la Quintinie de créer son potager sur un endroit que l’on nommait jadis « l’étang puant ». Pendant deux ans, la terre ramenée de la pièce d’eau des Suisses n’a rien donnée. La Quintinie a donc fait venir de la bonne terre des collines de Satory et là, son potager a commencé à s’épanouir.
Quelles étaient les relations entre La Quintinie et le roi ?
Louis XIV était un souverain très exigeant. Quand il arrivait au potager, la cinquantaine de jardiniers qui y travaillaient devaient se cacher car le roi ne voulait côtoyer que Jean-Baptiste. Fort heureusement, ce jardinier était aussi patient que psychologue. Il savait que pour garder sa place, il devait répondre à toutes les attentes et les caprices du roi.
La légende raconte ainsi que Louis XIV lui a demandé des melons en plein automne. « Le roi d’Espagne en a, il en faut aussi à ma table ». À ce qu’il parait, La Quintinie s’est démené pour lui en trouver … en provenance des marchés de Paris !
Est-ce que l’on utilisait des traitements chimiques au sein du potager ?
Bien sûr ! Les gens sont convaincus qu’à l’époque on n’utilisait aucun produit chimique. C’est totalement faux. Le cyanure, par exemple, était fréquent mais comme le roi avait des goûteurs, il a vécu jusqu’à 76 ans ! On ne sait pas trop combien de gouteurs ont péri… Quoi qu’il en soit, aujourd’hui au potager, nous n’utilisons plus aucun traitement chimique. Je vous garantis que c’est un très gros challenge surtout en ce qui concerne les arbres fruitiers.
L’idée du potager est de préserver le patrimoine de l’époque ou d’apporter de nouvelles espèces ?
C’est plus complexe que celà car il faut tenir compte de l’évolution. La productivité est une de nos gageures ainsi que la démonstration de l’arboriculture sous sa forme classique avec des fruitiers présentés en espaliers et contre espaliers. Le Potager n’est pas un conservatoire. Il y a une volonté de préservation mais il faut savoir que les fruitiers et végétaux présents au potager ne sont pas ceux d’origine, ils datent déjà pour la plupart du XIXe siècle. Certaines sortes de pommes et de poires étaient certes cultivées à l’époque du Roi Soleil mais pas sous ces formes là. De plus, avec les changement climatiques et la venue du bio, nous effectuons une recherche variétale car certaines espèces de résistent pas.
Avez-vous introduit de nouvelles variétés ?
Quelques-unes comme la canne à sucre, le curcuma, la papaye verte, le poivre de Sichuan ou le tamarillo qui est un petit fruit du Mexique.
Comment a évolué le Potager du Roi au fil des siècles ?
Pendant la révolution, les parcelles de terre du potager ont été louées aux gens de façon un peu chaotique : c’était un vrai bazar, les nouveaux occupants ont volé tous les outils des jardiniers royaux ! Fort heureusement, ils n’ont pas découvert la « Grille du Roi » qui avait été enterrée. Au début du XIXe siècle, Napoléon a repris le potager pour en faire un lieu dédié à sa propre consommation. En 1874, il s’est transformé en École Nationale d’Horticulture grâce à Auguste Hardi et aujourd’hui, il abrite une école de paysage (l’ENSP) qui dépend du ministère de l’agriculture.
Quel enseignement est donné à l’ENSP ?
L’école propose une approche pluridisciplinaire qui mélange art, architecture, paysage et de plus en plus d’écologie. Avec l’évolution du climat et de nos modes de vie, l’ENSP tente d’apporter des solutions en ne se projetant pas seulement dans une perspective de rentabilité. Celà donne un peu d’espoir !
Que propose le Potager pour la 38e édition des Journées du Patrimoine ?
Pour ce weekend particulier, nous avons mis en place une visite guidée des jardins, mais aussi une balade sensorielle, des animations pour les enfants, un atelier avec l’artiste Téo Betin, un concert de Puce Muse autour de la nature, une parenthèse musicale avec la harpiste Isabelle Olivier et comme toujours, une vente de tous nos produits frais.
Merci à Sergio et Dominique pour leur réponses et leurs belles histoires à propos du Potager du Roi, ainsi qu’à toute l’équipe d’accueil !