Fellini, Roma et moi : une introspection à l’italienne
Cette pièce se savoure un peu comme une expérience fellinienne à mi-chemin entre une fantaisie italienne et une réelle introspection. Perchée sur ses stilettos à fleurs, Bunny Godillot nous raconte durant plus d’une heure son parcours de comédienne et ses incertitudes de femme : depuis la chambre froide de son père boucher jusqu’aux lumières de la Mostra de Venise, elle déploie avec talent les épisodes de sa vie sans que l’on parvienne vraiment à discerner le vrai du faux.
Le processus narratif est intéressant : debout, face à une psychologue imaginaire, Bunny vide son sac au sens propre comme au figuré. En explorant toutes les breloques qui s’y trouvent, elle fait l’inventaire de son existence par la biais de flash-back. On découvre ainsi sa fugue de Paris à Rome le jour de ses seize ans, son improbable rencontre avec Fellini dans les studios de Cinecittà, mais aussi ses rêves d’actrice sous la tutelle flottante du Maestro. Alternant passé et présent, Bunny évoque également ses amours milanaises, l’indélicatesse de son agent, sans oublier la difficulté de vivre avec une mère qui perd peu à peu la tête …
Dans ce constat théâtral tissé d’amertume et de beaux souvenirs, on est face à une mise à nu aussi pudique que volontaire. Derrière les lumières de sa crinière blonde et de sa robe pailletée, Bunny préserve en effet ses parts d’ombre… Parallèlement à son attitude rock’n’roll se déploie d’ailleurs une élégance naturelle que l’on ressent aussi bien dans sa silhouette que dans sa voix.
Armée d’une diction presque aristocratique et d’un don pour la narration, cette comédienne-auteure confère à son texte une poésie et une fluidité très expressive. À travers ses belles histoires qu’elle invente ou qu’elle revit, on ressent aussi son amour pour les calembours, les jeux de mots et les pirouettes linguistiques car Bunny s’amuse à parler alternativement anglais, français ou italien.
En sortant de ce one-woman-show un peu baroque et fantasmé, on se dit que Bunny a effectivement du Fellini en elle car elle adore théâtraliser sa vie. Si sa rencontre avec “Il Maestro” s’avère véridique, on a l’impression qu’elle en a enfin fait le deuil mais que des doutes demeurent : en se posant seule sur une scène, celle qui a jadis incarné la sublime Roxane de Jean-Paul Belmondo dans Cyrano ne chercherait-elle pas à balayer un peu le joug du passé pour trouver la reconnaissance d’un public nouveau ? Elle l’a entièrement gagnée.
Grazie Mille Galina !
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
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