The Jewish Hour : une comédie identitaire sans langue de bois !
Après son spectacle Tunnel Boring Machine, Yuval Rozman revient sur la scène théâtrale avec le second volet de sa trilogie consacrée à Israël (Trilogie de ma terre). Brillant auteur et metteur en scène, il propose un désopilant talk-show radiophonique qui passe au scanner ses névroses identitaires et celles du peuple juif.
Un talkshow en mode « Jewish Pride »
Tout démarre sur le plateau de The Jewish Hour, une radio juive-francophone qui fête son inauguration sur les ondes. Installés dans un studio sous une immense étoile de David, Stéphanie et son frère Kevin accueillent les spectateurs le sourire aux lèvres au son de Shabbat Shalom chanté en chœur.
Au programme de leur émission : débriefing politique, actualité sportive et analyse de la Torah, tout cela en live et en présence de multiples intervenants censés promouvoir outrageusement la supériorité juive. L’un d’entre eux, cependant, va refuser de se prêter à cette mise en scène prosélyte et se rebeller…
Des comédiens aussi brillants que déjantés
Vous l’avez compris, dans cette parodie de la propagande juive, Yuval Rozman et ses acteurs abordent l’actualité Israélo-Française en la bombardant de clichés. Drôles, moqueurs et complètement timbrés, les trois comédiens de The Jewish Hour manient l’autodérision et l’insolence à ravir !
À la régie de cette émission radiophonique se trouve Romain Crivellari : ne vous fiez pas à son calme apparent ! Caché tranquillement sous sa petite kippa, ce discret personnage va finir par surprendre tout l’auditoire.
Afin d’animer les débats houleux de cette émission pro-juive, Stéphanie Aflalo tient son micro avec autant de foi que d’enthousiasme : vive, brillante, zélée et spirituelle, cette comedienne-présentatrice possède une aisance scénique et une énergie impressionnante. Durant toute la pièce, elle fait défiler les chroniques, joue de la batterie, incite chacun de ses invités à faire les louanges du peuple élu, et chante de surcroît magnifiquement !
Pour incarner les intervenants successifs de ce talk-show halluciné, l’acteur Gaël Sall prête son charisme et son humour loufoque à un rabbin extrémiste, un sportif sans cervelle puis, il se lâche complètement pour nous offrir une caricature délirante de Bernard-Henri Lévy venu présenter un livre sur « L’esprit du Judaïsme ».
Une pièce identitaire qui décrypte les névroses du peuple juif
La première partie de la pièce nous fait rire aux larmes tant elle parodie divinement le prosélytisme juif. La salle chante, tape dans ses mains, s’amuse, et puis peu à peu le propos évolue pour laisser place à un cynisme et une cruauté inattendue.
A travers un discours soudainement grave, l’écriture de Yuval Rozman s’élève au-delà de tous les clichés pour aborder sans langue de bois la question de l’identité juive contemporaine.
Passant du conflit israélo-palestinien à l’antisémitisme hexagonal, il décrypte les névroses de son peuple en se concentrant sur les Juifs de France. À travers les obsessions de cette communauté particulière, il déverse alors violemment ses propres inquiétudes et se remet en question, lui qui a déserté le service militaire israélien pour s’installer en France depuis 2015.
Yuval Rozman, impétueux défenseur du politically incorrect ?
Le propos de Yuval Rozman est acerbe et corrosif. Armé d’une écriture au vitriol, il décrie sans concession le pouvoir politique d’Israel, sa violence actuelle et son intolérance. Ferme et déterminé, le dramaturge attaque aussi ouvertement le nationalisme excessif de sa terre natale qui discrédite ses semblables et ne cesse de s’accroître au fil des années.
À travers un verbe lucide et audacieux, on sent que Yuval Rozman cherche ses liens avec la judéité et qu’il s’en prend à un pays qu’il a quitté pour tenter de devenir libre. Irrité par sa propre quête identitaire, il dépasse parfois les limites et tombe dans une provocation inutile. À ce propos, le final de sa pièce, projeté sur grand écran, s’égare complètement : au lieu de tomber dans une insolence gratuite, Yuval Rozman devrait tenter de conclure son plaidoyer théâtral plus subtilement car il se heurte à une incompréhension de la majorité du public…
Excepté ce final infructueux, The Jewish Hour est une pièce démente qui remet courageusement les pendules à l’heure. Bravo !
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
.