Composer un hit à partir des bips de la caisse d’un supermarché. C’est l’exercice surprenant avec lequel s’est fait remarquer Kaky. Un créatif et malin bricoleurs de sons qui depuis a affiné son style à mi chemin entre rap et variété française, grandissant jamais bien loin de son âme d’enfant Entretien.
« En mode création je pouvais rester 20 minutes sur un objet pour trouver le bon son »
SYMA : Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous dire qui est Kaky et pourquoi ce pseudo ?
Kaky : J’ai 25 ans, je fais de la musique, j’écris, je compose et je viens de sortir mon premier album. Mon prénom c’est Franck et petit j’ai vécu en Espagne, on me surnommait « Francky » et à mon retour en France c’est devenu « Kaky », surnom que j’ai conservé.
Tu as partagé tes premières compositions au début de la crise sanitaire, c’est une période qui a changé ton état d’esprit, tes objectifs ?
J’avais arrêté la fac un an et demi avant, ça a toujours été un rêve depuis gamin de faire de la musique. Je pense que le confinement m’a surtout permis de ne penser qu’à ça. Ça m’a surement aidé à structurer la suite et prendre le temps de composer. J’ai avancé beaucoup plus vite, vu que je n’avais quasi que ça à faire.
Tu t’es fait connaître avec les fameuses « Kakysounds ». Comment est née l’idée de ce format et en quoi consiste-t-il ?
L’idée est de composer à partir d’objets. J’ai fait ça avec mon petit enregistreur.
J’ai trouvé le concept un peu par hasard après être tombé sur une vidéo de quelqu’un qui expliquait comment sampler le bip d’un micro onde et en fait un synthé. J’ai trouvé ça super intéressant. Après j’ai commencé à aller un peu plus loin, à tester plein de choses, plein de sonorités. Et j’ai trouvé que le côté ludique en vidéo pouvait être intéressant. Il y a un côté un peu addict, magique. Ça m’a permis de grandir sur les réseaux sociaux et de composer mon premier EP « Room 404 ».
Au départ il y avait un réel projet ou c’était plutôt un simple délire ?
J’ai fait ça un peu naïvement puis c’est devenu plus sérieux. Je n’avais pas du tout prévu ça. C’était mes premières compos, j’en faisais un quand j’en avais envie, j’étais un peu irrégulier sauf qu’à chaque fois ça marchait très très bien. Et à un moment je me suis dit que ça serait cool de les terminer et d’en faire de vraies musiques.
Au départ j’avais plein d’idées et au fur et à mesure je cherchais des thèmes, l’avion, le supermarché.. et à lier le texte avec. Le fait d’enregistrer avec des objets ça restreint beaucoup au niveau du son, mais ça m’a aidé à savoir où je voulais aller en terme de création.
Que ça soit en faisant les courses, ou en buvant un verre d’eau tu devais être attentif à chaque petit bruit, on ne devient pas fou à force ?
Heureusement je ne pensais pas à ça tous les jours, j’étais pas à la recherche. J’essayais d’écouter et parfois entre potes lors de sessions créations ça m’arrivait d’avoir des flashs. Mais je n’étais pas le fou qui entend plein de sons. Par contre quand j’étais en mode création je pouvais rester 20 minutes sur un objet à chercher le bon. Pour l’anecdote Brain magazine m’a invité dans ses locaux et là oui j’ai dû un peu passer pour un fou à regarder les gens bosser. Moi j’étais avec mon enregistreur je me baladais dans les bureaux je touchais à l’agrafeuse pour écouter le son.
À l’inverse, est-ce que le silence a déjà été source d’inspiration pour toi ?
Oui, je compose beaucoup la nuit je pense que c’est aussi un facteur. Vaut mieux être au calme pour cela. Moi qui vis à Paris où il y a beaucoup de bruit j’aime cette ambiance nocturne où j’ai l’impression de faire mon truc dans mon coin pendant que tout le monde dort.
« L’étincelle peut venir n’importe où il faut juste être à l’affut »
D’après toi une bonne instru c’est la base pour faire un bon morceau voire un tube ?
Je dirais une bonne composition plutôt et pour avoir un bon morceau il faut un bon échange entre la voix et les accords. Une fois cette base on peut aller plus en profondeur dans le son. Ma règle c’est si le son piano voix sonne bien, il fonctionnera quoi qu’on mette dessus. C’est valable pour les autres instruments.
De ces intrus sont nés tes premiers morceaux à commencer par « La tête pleine», comment on passe d’un processus à un autre ?
J’ai eu la chance de rencontrer Caméléon le producteur de mon EP « Room 404 ». Il m’a appris à faire un son avec de vrais instruments, à manier les logiciels. On a épuré les choses, on en a rajouté d’autres sur les sons de base. Et forcément j’ai dû écrire le second couplet des « Kakysounds ». Au début j’avais du mal à finir les titres, le processus de base me prenait pas mal d’énergie. Après je sortais le son et je le mettais de côté car j’avais l’impression qu’il était fini alors que non. Parfois j’ai vraiment mis du temps à écrire. Pourtant c’est plus simple d’écrire le second que le premier couplet.
De quoi t’inspires tu pour écrire tes textes ?
De plein de choses, ce que je vois, j’entends, ce que je vis. Je suis plus ouvert à écrire sans pour autant avoir vécu la chose. Pour l’album j’ai pris plus de recule sur le texte et décidé de traiter des sujets qui me paraissaient importants et plus forcément parler que de moi. Que ça soit un film, une blague. L’étincelle peut venir de n’importe où il faut juste être à l’affut, et quand ça arrive il faut être prêt à écrire.
Côté univers on ressent une empreinte rap mais aussi variété française, pourquoi ce grand écart ?
Je pense que la connotation rap sera toujours là parce que j’ai commencé à écrire en en écoutant. Le rap actuel a la force de laisser la place pour écrire et raconter une histoire sans tourner autour du pot. J’ai toujours trouvé ça fou, pour moi ça n’existe pas autant dans les autres styles. Dans l’écriture je me suis toujours comparé aux rappeurs. Maintenant je mets plus en avant le fait que je chante en laissant une place forte au texte, d’où ce mixe. C’est un peu difficile de classer le style que je peux faire, le meilleur moyen c’est de l’écouter.
« Je suis un peu en décalé avec les gens de mon âge qui ont des responsabilités peut être un peu plus « adultes » »
Egalement tu sembles porter une attention particulière au visuel, je pense à la pochette de ton premier album « Joli monde », on croirait une véritable toile ! C’est toi qui l’a peinte ?
Non c’est un peintre londonien. Je voulais vraiment avoir une peinture photo pour la pochette. Je trouvais que ça allégeait le propos du disque, tout en restant cohérent. J’ai opté pour une peinture digitale, avec un côté planète arrondie, des couleurs primaires un peu enfantine et cette petite âme qui me retient. Le rendu est assez apaisant.
D’ailleurs tes 14 pistes ont chacune leur logo et des titres représentatifs je pense à « Tableau » ou « Puzzle », là encore tu joues à fond la carte créative !
Je voulais vraiment assimiler chaque titre à un logo, le fait que ça soit plus simple à retenir. Et donner à chacun la même importance. Pour moi ils le sont tous, ils ont tous leur place. Je voulais un aspect visuel parlant, faire un petit rappel aux objets des Kakysounds aussi. Là c’est moi qui les ai dessiné une nuit sans savoir au départ que ça allait être pris au sérieux et adopté. J’en suis content.
Tu débutes le premier single « Cerf volant » par la citation de Peter Pan « ne grandissez pas c’est une arnaque » est ce que c’est important pour toi de garder cette part d’insouciance ?
Cette phrase résonne en moi depuis longtemps, le fait que quand tu grandis tu oublies un peu d’où tu viens, être moins naïf, créatif. Mais en même temps il y a quelque chose de très magique dedans, moi qui suis en plein dedans je suis un peu en décalé avec les gens de mon âge qui ont des responsabilités peut être un peu plus « adultes ». Mais du coup tu peux perdre parfois cette magie cet amusement d’être un enfant. Et je trouve que c’est important d’avoir cet aspect. Souvent les gens qui créent le gardent justement. Je trouve dommage qu’à l’école on n’essaye pas de développer plus ce côté. Ça devrait être mis en avant.
C’est aussi une manière de pousser chacun à croire en ses rêves ?
C’est une façon de dire n’oublie pas ces rêves que tu avais enfant. Et souvent on les oublie en grandissant. Pourtant c’est pas pour rien qu’on a cette envie. C’est une ode à l’enfance, un premier pas dans l’album. Vraiment croire en ses rêve, en soi.
C’est peut être bateau mais quand tu y crois, que tu te bats pour ça tu peux aller loin comme ça. J’ai toujours cru en ça et plus j’y crois plus ça avance et je m’entoure de gens qui y croient.
« Parfois je me dis que le monde manque de magie, de folie »
L’enfance c’est justement le fil conducteur de l’album, tu gardes de bons souvenirs de la tienne ?
Totalement, je pense que c’est pour ça que j’en parle beaucoup. J’ai toujours été un gamin dans ma tête très très tard, j’étais très famille. Chez moi il y a beaucoup de place à la parole. On parle de tout, on essaye de s’élever intellectuellement.
C’était important d’utiliser ce thème en fil rouge, parce qu’il y a pas mal de choses dont j’aurais aimé qu’on me parle gamin. Le mettre en chanson c’est ma façon de fermer cette porte et de pouvoir passer à autre chose. J’ai fait un peu l’album que j’aurais aimé écouter quand j’avais 15/20 ans.
C’est un album qui peut donc plaire autant aux enfants qu’aux adultes ?
Totalement. Il y a à la fois quelque chose de très magique, cinéma, rêveur qui peut faire très enfant dans ma musique. Mais aussi une partie mature dans les textes. Je pense que quelqu’un de 13 ans qui écoute l’album va ressentir une partie que l’adulte ne va pas forcément saisir. Je pense que chacun à un peu son point de vue, sa perception. Je le ressens déjà dans les premiers retours. Il y a un peu ce mélange intergénérationnel qui se fait.
Tu trouves le monde des adultes trop brutal ?
Plus je grandis plus je me rends compte qu’à un moment donné il y a une bascule qui se passe, les gens qui évoluent.. mais je pense qu’il faut garder cet âme d’enfant.
Le monde est un peu tristoune.. après qu’est ce qu’être adulte ? J’en connais qui sont chiants à mourir, ils n’ont plus de magie dans leur regard, dans ce qu’ils font. Parfois je me dis que le monde manque de magie, de folie. Je suis en plein dedans en train d’essayer de comprendre tout ça. Mais je me porte tellement mieux à grandir à mon rythme et ma façon. Je pense qu’il y a plusieurs façon de s’élever dans le monde qui nous entoure. Dans l’art en général on a un peu cette folie, le fait aussi que dans la musique il y ait un peu cet aspect autodidacte dans l’apprentissage et ce processus de création qui nous ouvre à des mondes différents.
Tu te considères comme un adulte ?
Je dirais que je suis un enfant qui a grandi. Je suis un adulte bien sûr, j’ai quand même des responsabilités mais je me rends compte que je grandis différemment de ce que je peux voir autour de moi. J’ai constamment besoin de crée, bricoler, faire de la peinture.. ça aide à rester vif d’esprit, attentif…
Est-ce que tu t’imagines un jour devenir père ?
Je ne pense pas tout de suite, j’aimerai bien être père et partager mon vécu à mon enfant, forcément c’est un truc qui m’attire. Après, on vit dans un monde où dans 20-30 ans il y aura d’autres problématiques donc ça freine aussi.
En attendant quels rêves te restent-ils encore à réaliser ?
Déja là je suis en plein dedans avec la sortie de cet album, les premières parties dans des Zéniths, mon équipe. Je remplis pas mal de cases pour le moment. J’aimerai élever ma musique produire moi même des artistes avec mon label, avoir mon propre studio d’enregistrement. Et simplement continuer ce que je fais, que le public comprenne ma démarche, et vivre de ça encore quelques années.
Merci à Kaky
Premier album « Joli monde » disponible
Une toile multicolore où se mélangent comme avec magie insouciance, nostalgie et espoirs d’un adulte en construction.
DROUIN ALICIA