Corsage : l’autre visage de Sissi l’impératrice…
Ce film retrace une année de vie d’Elisabeth d’Autriche. Bien loin des images candides et doucereuses immortalisées par Romy Schneider, il nous laisse entrevoir un visage à la fois tragique et exalté de l’impératrice.
À mille lieues de la jeune ingénue souriante et rêveuse, Sissi est devenue amère et lucide. Il faut dire que ce biopic se concentre sur le tournant de ses quarante ans que la souveraine perçoit comme une bascule dans son règne de femme, d’épouse et de mère.
Entre les stigmates de l’âge, l’absence de perspective d’avenir et le désintérêt de son époux Franz-Josef, tout commence à déstabiliser cette allègre figure qui se pigmente jour après jour de mélancolie.
Engoncée dans ses devoirs insipides d’impératrice autant que dans ses robes, elle va peu à peu tenter de faire exploser ce corset ainsi que l’« étiquette » qui l’empêchent de s’émanciper. Multipliant le sport de façon obsessionnelle, mais aussi les voyages ou les virées à cheval, Elisabeth va se laisser emporter dans une fuite en avant teintée de désespoir.
Trop rebelle pour la cour et son protocole, trop fantasque pour son temps, cette souveraine mythique va bafouer toutes les conventions allant jusqu’à choisir elle-même la maîtresse de son époux afin de pouvoir assouvir son intarissable soif de liberté.
Vicky Krieps : Une performance magistrale
C’est à l’élégante Vicky Krieps que revient le rôle complexe de Sissi qui lui a valu le Prix d’interprétation au festival de Cannes dans la section “Un certain regard”. Maîtrisant son personnage de bout en bout, cette comédienne germano-luxembourgeoise parvient à traduire la peur d’une femme qui voit sa beauté se faner mais aussi la désillusion d’une impératrice indépendante et pleine d’esprit à qui l’on demande de parader sans penser…
Tout au long du récit, Vicky Krieps nous fait ressentir la lucidité de Sissi, sa solitude ainsi que sa fragilité dissimulée derrière un visage diaphane et austère. On adore surtout la voir incarner les moments de révolte et d’exaltation d’Elisabeth qui laissent deviner une folie proche de celle de son démentiel cousin, Louis II de Bavière.
Un très beau film intimiste
Avec Corsage, la réalisatrice autrichienne Marie Kreutzer signe un très beau film intimiste et contemplatif. Portée par la musique sombre et planante de Camille, cette œuvre cinématographique offre aux spectateurs des images somptueuses et peaufinées dans l’esprit de Visconti. Attentive aux décors, au détail des costumes et aux choix des paysages, Marie Kreutzer les cadre avec audace et les anoblit en lumière. Les scènes où l’impératrice se fait corseter sont d’une élégance folle, celles où elle se baigne de nuit nous font frissonner, quant aux chevauchées en forêt, elles sont tout simplement enivrantes.
Par-delà son esthétique et son lyrisme, Corsage demeure un film très actuel car il questionne chacun sur ses dérives mentales forgées par l’emprise du temps et le regard d’autrui. Ce biopic souligne également avec admiration l’avant-gardisme de l’impératrice d’Autriche : Sissi était certainement un être névrosé qui pratiquait le sport à outrance et frôlait l’anorexie mais c’était avant-tout une femme indépendante et exaltée qui demeura incomprise tout au long de sa vie.
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
Corsage
Un film de Marie Kreutzer
Avec Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, katharina Lorenz, Jeanne Werner, Alma Hasun, Manuel Rubey, Finnegan Oldfield, Aaron Friesz
Sortie le 14 décembre 2022
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Photos : ©Felix Vratny, ©Film AG, ©Ricardo Vaz Palma, ©Govinda Van Maele, ©Robert Brandstätter