Après un réveil salutaire avec Légendes Pokémon Arceus, Game Freak était à la croisée des chemins. Les premiers aperçus et le lancement chaotique de Pokémon Violet & Ecarlate ne jouait pas en faveur du développeur. Mais aussi dubitatif que l’on puisse être sur l’aspect d’un jeu, c’est le propre du milieu de toujours pouvoir surprendre.
Avec Pokémon Violet & Ecarlate, Game Freak pousse la logique de Légendes Pokémon Arceus à son paroxysme en faisant le pari d’un monde ouvert authentique. Légendes Pokémon Arceus avait des aires étendues, mais fermées et successives, Pokémon Violet & Ecarlate permet au joueur d’aller, dès le départ, dans toutes les directions. Après l’introduction qui vous emmène à l’académie Pokémon, le jeu vous donne trois types d’objectifs : battre les champions d’arènes, dompter les gigantesques pokémons dominants ou s’attaquer aux trouble-fête de la Team Star.
L’aventure avec un grand A
Au joueur donc de réaliser ces défis dans l’ordre qui lui plaît… quitte à se heurter à des dresseurs ou des pokémons trop forts! C’est là tout le charme de ce système qui bazarde judicieusement le level design dirigiste et insipide de Pokémon Epée & Bouclier : le chemin n’est pas tracé, il faut le trouver soi-même et observer son environnement. Le travail n’est pas mâché, il faut apprendre de ses défaites et s’améliorer. C’est un plaisir fou de parcourir la vaste région de Paldea, très riche géographiquement. On se perd dans les grottes, les récifs côtiers, les forêts, la montagne enneigée. Le pokémon légendaire qu’on vous confie dès le début de l’aventure (sans qu’il puisse combattre) fait office de monture polyvalente pour triompher de ces routes variées et tortueuses. Les détours sont souvent récompensés, car de nombreux objets ou pokémon rares sont cachés dans des lieux reculés. Pokémon Violet & Ecarlate est donc plus que jamais l’aventure dont vous êtes le héros, à la progression aussi empirique que gratifiante.
Niveau gameplay, Pokémon Violet & Ecarlate se recentre sur un système RPG classique pour la série. Comprenez par cela que le titre fait marche arrière sur deux innovations majeures de Légendes Pokémon Arceus. Tout d’abord, le système de capture abandonne l’aspect chasse qui reposait sur la dextérité et la discrétion : on ne vise plus avec la pokéball, et on ne peut plus non plus capturer une créature sans engager le combat. C’est dommage, c’était nettement plus réaliste et interactif, sans compter toute la durée de vie artificielle qu’on économisait… La deuxième changement supprime la stratégie des attaques rapides et fortes pour introduire la Téracristallisation.
Sous ce nom ronflant se cache un système de renforcement des pokémons, qui prend une forme cristalline et un type unique qui peut être différent du type de base du pokémon. Si on ne conteste pas que le changement de type libre peut jouer un grand rôle sur la scène multijoueur, le design est peu spectaculaire et un rien maladroit, faute à l’icône ridicule sur la tête du pokémon qui, ironie de l’histoire, révèle le type en question! On ne peut être que guère emballé par cet énième système qui ne nous fera définitivement pas oublier les incroyables, les irremplaçables, les éternelles méga-évolutions.
Un épisode immensément riche
Ce qui satisfait particulièrement, c’est l’étonnante richesse du jeu. La nouvelle génération de pokémons est plutôt réussie. Des créatures au look puissant aux plus mignonnes, il y en a vraiment pour tout le monde. Il y a de véritables cours à l’académie, comprenant des petits jeux de mémoire (très inspirés de Persona 5) et ouvrant la voie à de nombreux bonus ou contenu annexe. Il y apprend entre autre l’origine des pokémons légendaires, qui font leur grand retour dans ce titre avec quatre nouveaux monstres mythiques. Même après les crédits de fin, il y a encore des dizaines d’heures de jeu en perspective avec plus de pokémons exclusifs, un tournoi caché et un défi renouvelé dans les arènes! N’oublions pas toute la partie mode et le vaste choix d’habillement pour son personnage. Les 100 heures de jeu sont très vite atteintes!
Pour la première fois depuis Pokémon Soleil & Lune, Game Freak nous sort un vrai jeu Pokémon : le conseil des quatre est de retour après son inacceptable absence dans Pokémon Epée & Bouclier, il y a un vrai champion, une rivale charismatique et une meilleure variété des musiques. La partie scénario, bien que courte, est très émouvante et très bien réalisée. Le grand final et son combat au sommet démontre une écriture et une vision d’un niveau qu’on avait pas eu depuis longtemps. On vibre à nouveau. Dans cet océan de bonnes nouvelles, il est regrettable que beaucoup de personnages manquent de charisme. En particulier, les adversaires de la Team Star ne sont guère crédibles, car pas vraiment méchants… On sent encore quelques réflexes d’infantilisation, hélas. Dans les champions d’arène, seule Mashynn a fait forte impression.
Du côté stratégie, on a le plaisir de trouver une option pour maximiser les IV (individual values) de ses pokémons afin d’avoir les meilleures statistiques possibles. Les talents et les natures sont modifiables assez facilement avec les objets dédiés. On trouve en outre directement en boutique de nombreux équipements relatifs à la stratégie : booster certains types, allonger les effets météos, avantages sur lors des capacités dites “champ”, etc. On fait en revanche un immense bon en arrière concernant les CT (capsules techniques) qui permettent d’apprendre de meilleures attaques à ses pokémons. Celles-ci sont maintenant toutes de nouveau limitées. On peut en fabriquer, mais il faut des matériaux qui sont longs et difficiles à rassembler. Malgré ce hic, l’optimisation stratégique est plus que satisfaisante dans Pokémon Violet & Ecarlate.
Le multijoueur s’améliore aussi : les raids sont plus facilement accessibles grâce à un matchmaking de meilleure qualité. Ce mode coopératif réunit quatre joueurs en ligne et les oppose à un pokémon téracristallisé d’un type donné (généralement différent de son propre type). Il existe sept niveau de difficulté, sachant que c’est très simple de un à quatre, et que ça devient monstrueusement ardu à partir des raids cinq étoiles. De plus, comme le type du raid est aléatoire, il faut penser les forces et les faiblesses de matière beaucoup plus précises. Les dresseurs du dimanche sont priés de s’abstenir, mais le défi est proportionnellement plus jouissifs pour les joueurs chevronnés.
Graphiquement, c’est là que la bât blesse : Pokémon Violet & Ecarlate est un monde ouvert techniquement bancal. Les ralentissements et les bugs sont légion, le jeu a planté plusieurs fois. L’aliasing fait mal au yeux et les textures sont d’un autre âge. Pire, tout personnage à plus de dix mètres dans le décor ressemble à un gif animé de basse résolution tant les polygones font souffrir le moteur de jeu. Les pokémons n’apparaissent pas non plus à plus de dix mètres. Les décors ont un design assez quelconque. La modélisation et l’animation des personnages principaux comme des créatures, correcte, sauve l’ensemble. On aura au moins assuré l’essentiel puisque toute la partie combat reste jolie.