Ca y est. Il a fallu attendre trois longues années, mais le “monde d’avant” est revenu également au Japon. Plus de visas, (un peu) moins de masques et toutes les destinations enfin ouvertes. Cette fois, on se dirige vers Odawara, une ville autrefois au cœur de la féodalité japonaise.
Odawara est une ville fière de ses racines et ça se voit. Sôun Hojo, fondateur du clan Hojo intimement lié à la ville, se dresse devant la gare. Si cette statue paraît presque mythologique avec ses taureaux aux cornes enflammées, elle se base bien sur l’histoire du lieu. Selon les chroniques du clan Hojo, Sôun aurait “équipé” des centaines de bêtes de torches pour donner l’illusion d’une grande armée lors de sa prise du château d’Odawara en 1495. Cela précipita la déroute du clan Ômori, qui a fuit dans la panique, laissant Sôun poser la première pierre d’un siècle de prospérité pour son clan.
Construit donc par les Ômori au milieu du 15e siècle, le château d’Odawara est le joyau de la municipalité et ce n’est pas peu dire. L’édifice est magnifique et imposant.
Le conservateur du musée château ne se gêne d’ailleurs pas pour nous dire combien il est imposant : dans cette frise originale qui compare les châteaux les plus hauts du Japon, celui d’Odawara est septième derrière celui de Kokura. Pour l’avoir vu, ce dernier paraissait pourtant nettement plus petit. On peut se demander s’il n’y a pas un peu de triche avec les fondations en pierre à la base…
Cette frise rappellera des souvenirs aux fans de The Legend of Zelda. En effet, le symbole de la Triforce du hit de Nintendo correspond historiquement aux armoiries du clan Hojo. On voit ici leur longue période de domination (en jaune) avant de laisser la place aux Ôkubo, puis aux Inari, puis encore aux Ôkubo avant la fin de la féodalité.
Après avoir défendu Odawara près de cent ans face des des leaders aussi formidables que Shingen Takeda, le clan Hojo trouve finalement plus fort que lui en 1590. L’histoire des Hojo et tout particulièrement leur ultime bataille est fort bien documentée, cartes et même vidéo à l’appui, même si l’on déplore de traductions anglaises très limitées. Après toute une série de manœuvres diplomatiques, Ujinao Hojo est attaqué par Hideyoshi Toyotomi.
Ujinao fortifie le château d’Odawara au maximum pour soutenir le siège de son adversaire, mais la supériorité numérique et logistique d’Hideyoshi est écrasante. Ce dernier dispose de 200 000 hommes auxquels les Hojo n’ont qu’environ 35 000 défenseurs à opposer. Ujinao se rend également compte qu’Hideyoshi, contrôlant toutes les régions environnantes, peut assurer sans mal le ravitaillement de sa grande armée. Le dernier des Hojo se rend le 5 juillet 1590, laissant Hideyoshi achever l’unification du pays.
En 1870, le gouvernement Meiji ordonne le démantèlement du donjon et des portes principales. Il ne reste que des tours de garde que le tremblement de terre de 1923 achèvera. Le château d’Odawara laisse alors place à une école primaire puis à une grande roue avant de renaître de ses cendres.
Après-guerre, des consultations commencent pour la restauration du donjon, qui est achevée en 1960.
Les magnifiques portes qui mènent au donjon ont demandé nettement plus de temps : la reconstruction des enceintes s’est étalée de 1971 à 2009.
Le château d’Odawara est une visite de grand intérêt malgré le manque d’explications en anglais. La restauration est impeccable et l’intérieur est joliment agencé. Odawara est en outre une localité agréable, à l’architecture élégante, assez piétonne aussi. Une destination donc fortement conseillée à seulement trente minutes de Tokyo en Shinkansen.