Dans les pas de Pina Bausch
Le nouveau film de Florian Heinzen Ziob nous fait redécouvrir le travail et les chorégraphies de Pina Bausch à travers les approches complémentaires de deux compagnies : celle très théorique du Semperoper de Dresde et celle plus expérimentale de l’École des Sables de Dakar.
Un dialogue magnifique et pluriculturel où les corps se construisent et les esprits lâchent prise afin de permettre aux danseurs de projeter sur scène le ressenti de leurs propres existences.
De Dresde à Dakar
À mi-chemin entre le film et le documentaire, “Dancing Pina” nous présente l’adaptation de deux ballets créés dans les années 80 par Pina Bausch : “le Sacre du Printemps” de Stravinsky et “Iphigénie en Tauride” de Gluck. À travers les répétitions qui se succèdent en Allemagne et au Sénégal, le réalisateur Florian Heinzen Ziob nous fait passer de Dresde à Dakar en suivant le travail de transmission mené par les anciens élèves de Pina auprès des jeunes générations.
Entre transe et classicisme : trouver le juste milieu
Très proche des corps et de leur gestuelle, la caméra suit deux troupes aux profils diamétralement opposés : L’École des Sables de Germaine Acogny au sud de Dakar qui accueille des danseurs de toute l’Afrique et le très classique Semperoper Ballett de Dresde.
D’un côté, se déploient avec force et allégresse des danseurs venant du Mali, du Sénégal ou du Niger; de l’autre, rayonne la solitaire et diaphane Sangeun Lee qui prête sa rigueur sud-coréenne à Iphigénie. Dans un va-et-vient d’images et de musiques, Florian Heinzer Ziob nous fait passer d’un univers où l’expression corporelle frôle la transe à un monde réglé par la théorie et le besoin de perfection. Portés par les mélodies de Gluck et de Stravinsky, on assiste à deux renaissances antagoniques où les descendants de Pina Bausch demandent à leurs élèves soit de lâcher prise, soit de contrôler d’avantage leurs corps et leurs mouvements.
Par-delà les tailles, les sexes ou les ethnies, il est merveilleux de voir ces professeurs insuffler l’esprit du Tanztheater à des âmes aussi différentes. Avec autant de patience que de passion, ils leur transmettent un nouveau vocabulaire corporel où l’émotion et le ressenti dominent. L’apprentissage est difficile tant pour Sangeun Lee qui doit se défaire de son carcan classique que pour les danseurs africains qui se forcent à canaliser leur énergie.
Un minutieux travail de transmission
Dans ce minutieux travail de transmission, chaque geste, chaque détail est exploré, répété et assimilé afin de pouvoir préserver l’esprit de Pina Bausch sans créer une copie vide de ses œuvres. Ceux qui ne connaissent pas la philosophie particulière de cette fabuleuse chorégraphe découvrent à quel point Pina était en quête d’authenticité dans sa conception de la danse : contrairement au ballet classique qui mise sur la quête de perfection et demande au danseur de s’effacer au service de l’œuvre, Pina incite ses danseurs à puiser au fond d’eux-mêmes afin de pouvoir projeter sur scène leurs parcours et leurs expériences de vie.
Le résultat est superbe, cathartique, presque douloureux et il confère à chacun des ballets une beauté singulière qui frôle le sacré.
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
Dancing Pina
Un film de Florian Heinzen Ziob
Avec Malou Airaudo, Clémentine Deluy, Josephine Ann Endicott, Jorge Puerta Armenta, Sangeun Lee, Courtney Richardson, Julian Amir Lacey,
Francesco Pio Ricci, Gloria Ugwarelojo Biachi, Luciene Cabral, Franne Christie Dossou, Tom Jules Samie
Sortie en salles : le 12 avril 2023
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