On l’a vu, Hogwarts Legacy est déjà une production historique commercialement parlant. Le titre le plus ambitieux, et de loin, de l’univers de Harry Potter était très clairement le plus attendu et maintenant le plus populaire. Quelle a été la recette pour passer cette fois de simple jeu commercial à adaptation mythique? C’est ce que nous allons essayer d’examiner.
La première chose qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que Hogwarts Legacy n’est pas un jeu Harry Potter. Le titre de la Warner sort sous le label Wizarding Worlds qui est plus large. Hogwarts Legacy vous fait incarner un élève de cinquième année à Poudlard, mais l’histoire a lieu autour de l’an 1900. Pas de Voldemort donc, et encore moins de Harry Potter qui ne sont pas nés! Le personnage principal est à créer par le joueur dans un menu de création aux possibilités correctes, et l’opposition se résume à des braconniers et des gobelins.
Cet univers n’en est toutefois pas moins connecté à la saga Harry Potter, par ses lieux (voir ci-dessous) mais aussi certains clins d’oeil bien trouvés. Le joueur fait par exemple la connaissance de Phineas Black, le très impopulaire directeur de l’époque présent dans un tableau du 12 Grimmauld Place dans l’Ordre du Phénix. Un autre personnage intéressant et intrigant pour les fans est Ominis Gaunt, descendant de Salazar Serpentard et probable cousin de Marvolo Gaunt, le grand-père de Voldemort. Ces personnages, ainsi que beaucoup d’autres originaux, sont particulièrement bien intégrés à l’aventure et contribuent à l’extraordinaire richesse de l’univers.
C’est bien là l’immense force de Hogwarts Legacy, car la reproduction de l’école des sorciers est à couper le souffle : Le grand escalier qui se forme devant vous, la bibliothèque et sa section interdite, les cours et les profs hauts en couleur, le bureau du directeur et ses innombrables tableaux… De l’émerveillement dans tous les coins, le jeu transcende le film tellement l’immersion est parfaite! Pas de Quidditch hélas mais le balai volant est assez bien intégré dans le jeu : en course contre la montre ou en survolant la région de Poudlard, les sensations sont tout à fait excellentes.
Car oui, le joueur n’est pas cantonné au château et peut explorer librement la Forêt Interdite, les villages avoisinants ainsi qu’un Pré-au-Lard là encore plus concret que jamais. Le joueur entre dans les boutiques mythiques comme Zonko’s ou Ollivander’s, fouillant avec envie dans l’offre pléthorique de fournitures magiques en tous genres. C’est du très, très grand art et du véritable nectar pour les fans de la licence.
C’est peu dire que le monde ouvert de Hogwarts Legacy est addictif. Non seulement le château et ses alentours sont immenses, garantissent des heures d’exploration plutôt cool, mais le jeu propose par ailleurs des dizaines et des dizaines de quêtes annexes. Celles-ci sont d’intérêt certes variable, mais il y a quand même nombres de défis passionnants : les pages de guide et les lucioles à dénicher ici et là, les zones cachées de Poudlard, les concours de magie, les tombeaux et autres grottes infestées de monstres…
C’est parfois presque trop, comme les énigmes de Merlin présentes par dizaines : ces puzzles sont intéressants mais au bout d’une dizaine, ça devient fatiguant… On note une excellente quête exclusive à PlayStation qui vous jette dans un manoir hanté dantesque plein d’effroi et de réflexion. Très nettement la meilleure quête du jeu.
Dernière quête et pas des moindres, la région renferme plusieurs types de créatures magiques à attraper (comme des pokémons) et à élever à Poudlard. De la licorne jusqu’au mythique phénix, la “chasse” est passionnante tout le long du jeu. Surtout que ces charmants compagnons donnent des matériaux rares capable d’améliorer l’équipement de manière substantielle, symbole d’une mécanique de jeu de rôle bien huilée.
Autre qualité indéniable cette adaptation, le gameplay est à la fois profond et nerveux. Une quarantaine de sorts sont à débloquer progressivement, et ceux-ci servent aussi bien à se frayer un chemin dans les donjons qu’à se battre. Le petit plus incroyable est que les magies ont beaucoup de synergies entre elles : accio avec incendio, levioso avec descendio etc. Les ennemis sont très nombreux, ce qui exige d’être très alerte au niveau de la garde (protego). Ce dernier sort contre-attaque d’ailleurs automatiquement, le tout constituant des batailles magiques assez épiques. La magie ancienne, inédite dans ce jeu, est composée de sorts ultra violents que seul votre personnage maîtrise!
Le seul point de déception est le bestiaire, plutôt en retrait puisque les ennemis se ressemblent beaucoup. En particulier, on fait plusieurs fois exactement les mêmes boss… Un errement de design inacceptable pour une production de cet acabit. Enfin, les développeurs n’ont pas pu s’empêcher d’intégrer très largement la magie noire dans les possibilités offensives. Pour le coup, au diable la cohérence avec les livres dans lesquels les sorts interdits sont sévèrement proscrits!
Ce dernier aspect illustre ce que Hogwarts Legacy n’a pas réussi à faire, c’est-à-dire apporter une narration digne de JK Rowling. Le fait de pouvoir utiliser Crucio aussi facilement qu’un autre sort montre à quel point l’importance de l’aspect monde ouvert a finalement écrasé le développement et la cohérence de l’histoire. Hogwarts Legacy bénéficie d’une mise en scène de poids si bien que les chapitres, pris individuellement, sont captivants, mais échouent à faire un tout convaincant. La narration est simplement trop fragmentée par les nombreuses quêtes pour être à la hauteur du roman. L’absence d’antagonistes dignes de ce nom (il n’y a vraiment personne de la carrure de Voldemort et des Mangemorts) n’aide pas non plus à la constitution d’un épopée.
Mis à part ces soucis d’architecture scénaristique, Hogwarts Legacy reste une adaptation exceptionnelle de l’univers de JK Rowling, à vivre absolument pour les fans de Poudlard. La Warner a mis les moyens pour obtenir une réalisation fantastique qui fait ressentir la puissance de la PS5, mais aussi un contenu conséquent pour rentrer pleinement dans l’univers des sorciers. Un jeu qui fera date et on est déjà impatients de voir comment la firme développera le concept la prochaine fois!
Hogwarts Legacy
Editeur/développeur : Warner Bros/Avalanche Software
Genre : Jeu de rôle
Modes : Solo uniquement
Sortie France : 7 février 2023
Machine(s) : PS5, Xbox Series, PC