Loïc Nottet retourne sur la piste. Un chanteur au grand talent de danseur laissant parler son corps mais surtout ses émotions d’ex ado tourmenté sur « Addictocrate ». Un album pour la première fois entièrement en français retranscrivant les excès d’une société aussi sombre que lumineuse qui l’a fait grandir. Chronique musicale.

Loic Nottet - Danser - Addictocrate -

Le lac d’un cygne dans un monde de corbeaux

La mort il y a pensé, le burn out il l’a frôlé. Mais c’est bel et bien debout après trois ans de travail, de remise en question mais aussi de doutes que Loïc Nottet se remet en mouvement tant physiquement que vocalement pour livrer toutes les facettes d’un «Addictocrate » moderne. Un mot unique contraction d’« addiction » et «aristocrate » mettant sur scène la société actuelle et ses excès de gloire, argent, drogues et jugements abusifs. Avec pour rôle principal celui qui se décrit dés ses premières confidences comme « éternellement insatisfait ». Un premier acte piano voix au titre éponyme ouvrant le rideau sur le thème de la surconsommation. « Mon obsession pour le plus m’éloigne du bonheur » déplore-t-il perdu dans ce monde aussi sombre que lumineux où se cachent pourtant bien des richesses naturelles et plaisirs simples. Tout en se mettant à « Danser » au milieu d’un décor de théâtre rouge et doré, tandis que valsent aux vestiaires les stigmates dont il a longtemps été victime. Un nouvel envol pour ce « Cygne » gracieux vainqueur de « Danse avec les stars » de qui a souvent peiné à déployer ses ailes dans un vent de critiques. Allé dans sa jeunesse même jusqu’à la dépression et autres addictions aux drogues. Des thématiques au coeur de son disque aux cinquante nuances de lumière, écrit à la manière d’un livre qui se lit dans l’ordre où il a été écrit. La setlist sera d’ailleurs interprétée telle que lors de sa tournée. Un véritable spectacle vivant où chaque page raconte son histoire via des sonorités différentes, parfois autour des mêmes thématiques. Toutes en français dans des textes plus directs sur fond d’un accord classicisme et moderne aux accents urbains. Et même des beats électros camouflant les médisances des « Trouble-fête » par un lâcher prise nocturne. Un moment de la journée qui inspire particulièrement cet adepte malgré lui de « Nuit blanche ». Un insomniaque rêvant au Pays des merveilles où la « Monnaie » ne serait que secondaire. « Monnaie, monnaie, monnaie, T’as bien trop régné » scande-t-il en plein entracte de sa pièce de treize actes.

Loic Nottet - Melodrame - Addictocrate -

Envol gracieux d’un ex poussin 

« Bonsoir messieurs mesdames, dites-moi ce qui se trame » clame Loïc Nottet en ouverture de la deuxième partie de son œuvre dans le costume d’un « Con » qui marche à contre-sens vers l’âge adulte. Un cap difficile à encaisser pour cet artiste qui ne veut pas tirer une « Révérence » sur son insouciance. « J’vis mal que mon enfance ait tiré sa révérence, J’pleure l’adolescence et ses crises d’existence » déplore-t-il intensément sur cette ballade voix des plus saisissante. Tandis que défile la plume affutée du chanteur belge toujours dans la langue de Molière la pépite suivante « Je t’haine » a elle tout le scénario d’un classique de Shakespeare. Une tragédie romantique à la « Roméo & Juliette » des temps modernes sur fond de message de tolérance et de liberté sentimentale. « Aimons nous sans aucune mise en scène, Laissons nous valser sans masque au bal, Et désirons nous sans la moindre gêne, Laissons les dire que cette romance tournera mal » palpite-t-il au nom de tous ces couples jugés pour les différences culturelles, religieuses ou orientation sexuelle. Un coeur à prendre « Mis à mort » surprenant à reprendre sa quête sur une salsa énergique aux sonorités latines solaires et festives. Avant de remonter les décibels sur le psychédélique « Envie », puis de redescendre la température à la « Perfection ? », vibrante composition instrumentale aux douces notes de piano et cordes. Un accord qui donne le ton à l’ultime scène mélancolique de son « Mélodrame ». Un grand final tirant le rideau sur ce « Paradis abstrait » qui a fait évoluer et même renaître cet ex ado en un homme et artiste équilibré.

DROUIN ALICIA