Après une carrière de vétérinaire, gymnaste, professeure ou même footballeuse, «Barbie » devient l’héroïne de son propre film. Mais surtout porte-parole de la cause féministe en costume rose bonbon. Une sortie évènement qui réalise le meilleur lancement de l’année 2023 au box-office mondial et remet en lumière toute la symbolique autour de cette poupée iconique.
La vie en rose de Barbie Land
Il s’en vend en moyenne 58 millions d’exemplaires par an dans le monde. Soit 100 boîtes par minute. Jouet favoris des petites filles depuis sa création en 1959, « Barbie » traverse les époques sans prendre une ride. Un modèle standard qui se réveille un beau jour avec les pieds plats inadaptés à ses talons hauts et des premières traces de cellulite. Un drame pour l’héroïne du film incarnée par Margot Robbie qui part alors à la conquête du monde actuel pour tenter de retrouver son apparence initiale. C’est seule avec son complice de toujours Ken (Ryan Gosling) qu’elle prend le volant de sa voiture rose pastel. Couleur omniprésente de ce décor féerique. À commencer forcément par sa maison toute équipée avec ascenseur et toboggan pour passer d’un étage à l’autre. Mais aussi des objets du quotidien allant d’un grille pain à une douche toujours rose bien sûr, et autre briques de lait ou verre à paille… vide, tous référencés parmi ses accessoires officies. Sans oublier le dressing de vêtements girly pailletés à enfiler pour faire la fête entre copines, paire de rollers fluo inclus. Ni ses différents moyens de transports l’avion, le tandem et même la moto neige. Autant d’éléments artificiels qui plongent les spectateurs au coeur de Barbie Land et de ses souvenirs nostalgiques de jeux d’enfants. Un univers imaginaire où règnent joie, solidarité et insouciance. Le tout sur fond d’une bande originale entêtante façon comédies musicales. Une vie en plastique pas si fantastique qu’il n’en paraît pour cette poupée grandeur nature en pleine crise existentielle. Une femme actuelle qui vit avec son temps au milieu des modèles déclinés de cette célèbre blonde. Silhouettes plus corpulentes, profils de couleur, en fauteuil roulant, des figurantes toutes inspirées de la gamme commercialisée par Mattel depuis plus de 60 ans. Une société américaine qui grâce à ses multiples placements de produits devraient voir ses ventes relancées. Un géant du jouet qui profite de cette belle vitrine publicitaire pour retracer l’historique y compris les échecs des différents modèles de Barbie souhaités inclusifs pour toutes les femmes. Mais surtout pour contrer les critiques et idées reçues autour de cette mannequin finalement pas si stéréotypée.
Aux armes citoyennes
Une aventurière qui n’hésite pas à mouiller le maillot pour défendre son royaume entièrement gouvernée par des femmes, y compris aux postes majoritairement masculins comme l’entretien des poubelles ou les chantiers extérieurs. Tandis que son complice de toujours Ken se dore la pilule sur les plages de vagues en carton. « Lui c’est juste Ken » peut-on entre autre lire et interpréter comme « Lui sait juste ken » du verlan de « niquer » sur l’affiche du film. Un personnage volontairement caricaturé à l’extrême (remarquablement interprété au passage) qui résume bien l’état d’esprit du film. Un scénario rocambolesque qui malgré ses nombreux gags partant parfois dans tous les sens, est centré autour de la cause du féminisme. Un conte moderne qui déconstruit l’image du prince héros pour mieux pointer du doigt machisme et patriarcat via des scènes poilantes volontairement exagérées. Remarques sexistes, entreprise capitaliste dirigée uniquement par des hommes, la paix des ménages de Barbie Land laisse place en miroir dans le monde réel à la guerre des sexes. Avec pour tête pensante Ken qui souhaite renverser le pouvoir en sa faveur. Mais ici pas d’armes ni de violences, simplement des drôles de joutes verbales et une morale rose bonbon qui fait de Barbie un symbole de l’émancipation féminine. Avec dans sa panoplie autodérision, sens de la réflexion et discours d’acceptation de soi. Une satire tantôt subtile tantôt grossière qui sombre parfois dans la facilité justement dans les clichés du conflit hommes/femmes qu’elle tire dans son viseur. Tout en démontrant que oui les féministes peuvent porter du rose ! Une production qui malgré quelques longueurs rappelle très justement toute la pression mentale qui réside dans le simple fait d’être une femme engagée ou non. « Il faut être mince, mais pas trop, et on ne peut jamais dire que l’on veut être mince. Il faut dire que l’on veut être en bonne santé. Il faut avoir de l’argent, mais ne pas en demander, car c’est grossier. Il faut avoir de l’ambition, mais il ne faut pas être méchante. Tu dois diriger, mais tu ne peux pas écraser les idées des autres. Tu es censée aimer être mère, mais ne pas parler de tes enfants tout le temps… » scande avec justesse et émotion Gloria son double humaine incarné par America Ferrera. Un monologue poignant demeurant l’un des moments clés du film, qui a au moins le mérite de parler et mettre toutes les femmes du monde d’accord.
DROUIN ALICIA