Universal Theory : Timm Kröger revient à l’esthétique des Années 50
Le film de Timm Kröger prend place en 1962 dans les Alpes Suisses. Johannes, un jeune scientifique allemand, se rend à un congrès de physique pour y défendre une théorie sur l’existence de mondes parallèles. Tandis que son tuteur met en doute sa thèse, Johannes croise le chemin de Karin, une mystérieuse pianiste, qui l’entraine au cœur d’étranges évènements…
Une maitrise exceptionnelle des lumières et de la dramaturgie
Timm Kröger est un jeune réalisateur allemand adepte de cinéma métaphysique. Pour ce second long-métrage, Die Theory von Allem, il a pris le parti judicieux de tourner essentiellement en noir et blanc. Grace à sa maitrise technique et émotionnelle des lumières, il parvient à créer une atmosphère somptueusement rétro qui nous rappelle celle des films hollywoodiens des Fifty’s. À mi-chemin entre Vertigo ou Citizen Kane, ses jeux de clair-obscur restituent à la fois l’ambiance feutrée d’un élégant hôtel suisse et la blancheur transcendante des montagnes qui l’entourent. Afin de souligner cette superbe esthétique, Timm Kröger a aussi choisi d’accompagner sa narration de partitions musicales continues : entre un morceau de jazz et une pièce baroque de Couperin, le spectateur est ainsi sans cesse porté par les ostinato et les compositions Hitchcockiennes de Bernard Herrmann.
Un scénario ambitieux qui se perd dans des tergiversations ésotériques
En optant pour un thriller quantique qui navigue entre un polar des années 50 et une sombre romance amoureuse, Timm Kröger fait preuve d’une réelle ambition mais il finit, hélas, par s’égarer dans sa propre mise en scène.
Les paramètres initiaux qu’il choisit pour cette histoire sont pourtant tous convaincants : un hôtel perdu dans la neige, un congrès de savants fous, des tunnels radioactifs, un jeune physicien un peu naïf, une pianiste énigmatique (Olivia Ross), des officiers dignes de la Gestapo, des avalanches, sans parler de quelques meurtres et d’une conspiration teintée par les fantômes du nazisme. Jusque-là tous les éléments demeurent classiques et l’intrigue proposée nous tient parfaitement en haleine.
La narration de Timm Kröger devient cependant confuse lorsque le réalisateur tente d’y mixer de l’ésotérisme à des notions de physique quantique pour intégrer le registre fantastique : entre les hallucinations de ses personnages, les changements spatio-temporels et les mondes qui se superposent, le spectateur se retrouve plongé dans un chaos visuel incohérent et il s’y noie.
En voulant nous entrainer dans une théorie des multivers saupoudrée de citations de Bohr et de Schrödinger, Timm Kröger perd la crédibilité de son script. Fort heureusement, l’acteur Jan Bülow qui interprète le rôle principal de Johannes rattrape un peu cette débâcle scénaristique : avec son jeu intense et sa vulnérabilité enfantine, son personnage de physicien sauve la mise à ce long-métrage où la forme l’emporte haut la main sur le fond.
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
Universal Theory (Die Theorie von Allem)
Un film de Timm Kröger
Avec Jan Bülow, Olivia Ross, Hanns Zischler, Gottfried Breitfuss
Sortie le 3 janvier 2024
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Universal Theory est actuellement présentée au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg
Photos © : Neue Visionen Filmverleih et UFO Distributions