Après avoir mis en lumière ces « Mesdames », c’est sur le monde que Grand Corps Malade pose ses yeux et son slam dans « Reflets ». Un observateur mais aussi acteur à son échelle se faisant le miroir de la société à travers son regard et celui des autres. Chronique musicale.
Un miroir grossissant
« Les yeux sont le miroir de l’âme ». Mais c’est avec sa voix et une prose imagée que Grand Corps Malade touche les coeurs. Un célèbre conteur d’histoires qui slame la sienne et celles des autres à coup de « Paroles et musique » rythmées de figures de styles punchy, rimes poétiques et productions radiophoniques. Un panoramique avec en premier plan l’ « Autoreflet » de cet ex banlieusard devenu un mari et père de famille livrant sa vision de la vie. Mais aussi un artiste qui écrit sur « des sentiments et des pensées intimes » ainsi que « la société quand ça me semble légitime». Un autoportrait évoquant son changement de trajectoire et chemin parcouru depuis son tragique accident. S’il zoome sur sa personne, Grand Corps Malade ne se noie pas dans le narcissisme. Un artiste qui depuis son objectif visualise cette fois sans aucun duo,la société sous tous les angles. Un miroir grossissant entre flou artistique et « Reflets » des doutes, échecs, victoires et sentiments de ses « potes, de mes voisins ». Sans oublier toutes les personnes croisées sur sa route qui comme lui avancent entre lignes droites et virages. Un autoroute du bonheur qui ne semblait pourtant pas si tracée depuis son «premier hors-piste » de jeunesse. « Je suivais la route imposée par les évènements… Quand le hasard ou la chance me proposa une autre option » se souvient-il dans « J’ai vu de la lumière ». Un miraculé qui depuis « Le jour d’après » a bravé les épreuves avec patience et courage. Une force d’avancer qu’il partage avec tous « les accidentés d’parcours, Les fragilisés, les malchanceux d’un jour » à qui il adresse cet ode à la résilience. « ça n’arrive pas qu’aux autres, ce n’est pas une légende » rappelle-t-il invitant chacun à profiter de l’instant.
Focus sur le monde d’aujourd’hui et de demain
Une urgence de vivre qu’il célèbre au jour le jour dans « C’est aujourd’hui que ça se passe ». « Demain c’est loin et c’est pas moi qui l’ai dit, Le présent est précieux, l’inertie l’enlaidit » scande-t-il d’un flow canalisé. Un voyage à travers le temps et l’espace avec passage par la « Rue La Fayette » avec sur le trottoir un couple sur le point de prendre deux chemins différents. Une courte escale pour le chanteur qui pose ensuite son micro à « Deauville » en souvenir de sa première escapade main dans la main avec sa femme. Une copilote à qui il ouvre grand son coeur sur le doux « Je serai là » symbole d’un amour qui lui n’a pas pris une ride. Un temps qui file qu’il réalise un peu plus en voyant ses enfants grandir si vite. « Quand ils apprennent à lire, nous on vieillit sans défense, Je crois qu’on était des enfants tant qu’on en avait pas » berce ce papa chanteur sur le lumineux « Retiens les rêves » dédié à ses deux fils et plus généralement à la filiation. Un ainé qui voit en la vieillesse un signe de « (La) sagesse». « Mais non, j’suis pas vieux, appelle ça d’la sagesse » ironise-t-il un peu largué par la jeunesse « qui s’amuse sans moi ». Une nouvelle et même future génération qu’il projette en « 2083 » dans le monde de demain où « la famine et la misère sont devenues irréversibles ». Une lettre écrite par son futur petit fils alertant sur les conséquences du dérèglement climatique. Avec tout de même un message de fraternité et d’espoir d’un avenir meilleur.
DROUIN ALICIA