La Tresse : une triple leçon de courage
Le nouveau film de Laetitia Colombani est une pépite. Adapté de son roman très féministe « La Tresse », il est aussi délicat que poignant et nous fait suivre avec subtilité le parcours de trois amazones des temps modernes.
Smita / Sarah / Giulia
D’un côté de la planète, il y a Smita (Mia Maelzer), une mère indienne de la caste des intouchables qui nettoie des latrines pour tenter de subsister. Face à l’avenir sordide qui se profile pour sa fille, elle s’enfuit à Bénarès dans l’espoir d’offrir à sa progéniture une vie nouvelle, loin de toute misère.
En parallèle de ce premier parcours, on rencontre aussi Sarah (Kim Raver), une brillante avocate canadienne gérant seule ses trois enfants ainsi qu’une tumeur qui grandit sinueusement au coeur de sa poitrine.
Entre ces deux continents, on suit enfin les pas incertains de Giulia (Fotini Peluso), une jeune sicilienne pleine d’insouciance. Vivant dans un petit village traditionnel, cette belle étudiante va être soudainement confrontée à la maladie de son père qui dirige un atelier de perruques croulant sous les dettes.
Trois amazones du XXIe siècle
À travers les destinées croisées de ces protagonistes, la réalisatrice Laetitia Colombani dresse avec magnificence le portrait de femmes fortes et dignes. Admirative de leur vaillance et respectueuse de leurs choix, elle nous fait naviguer dans les univers diamétralement opposés de ces amazones qui malgré leurs différences se rejoignent dans leur volonté : qu’elles soient paysanne, avocate ou étudiante, Smita, Sarah et Giulia vont en effet être successivement fouettées par le destin et mener chacune leur combat.
Avec beaucoup de délicatesse et d’attention Laetitia Colombani réussi à montrer le socle intergénérationnel que peut représenter une femme : tour à tour filles, épouses ou mères, ses personnages féminins semblent ne jamais avoir de répits car elles luttent alternativement pour leur vie, celle de leurs enfants ou celle de leurs parents.
Sainte Trinité
Du nord de l’Inde au sud de l’Italie en passant par Montréal, la caméra itinérante de Laetitia Colombani met superbement en avant trois continents aux atmosphères multiples : entre les sublimes falaises italiennes surplombant la Méditerranée, la verticalité de la skyline de Montréal ou le chaos indien bordant le Gange, on est transporté d’un pays à l’autre entre une modernité extrême et des traditions millénaires.
Jouant sur cette répartition tripartite, la réalisatrice construit aussi son film autour de trois âges, trois langues (hindi, anglais et italien) mais également trois religions : en effet, Sarah la canadienne est juive, Giulia la sicilienne vit en pays chrétien quant à Smita, elle appartient à la caste des Intouchables et porte une dévotion sans faille à Vishnu. Si l’amour est omniprésent dans cette très belle fresque cinématographique, la prière et la foi en font aussi partie intégrante et lui apportent une immense dimension spirituelle.
Porté par la musique poignante et narrative de Ludovico Einaudi, La Tresse propose en somme un portrait universel de la femme contemporaine. Dans ce film choral, Laetitia Colombani nous surprend de bout en bout car elle réussit à tresser un « lien capillaire » inattendu entre chacune de ses protagonistes en dénonçant aussi bien le machisme entrepreneurial que l’injustice des castes indiennes. On en ressort bouleversé en comprenant à quel point la vie est une lutte où chacun est entièrement livré à soi-même.
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
.La Tresse
Un film de Laetitia Colombani
Avec Mia Maelzer, Fotini Peluso, Kim Raver, Sadja Pathan, Avi Nash
En salles : le 29 novembre 2023
A voir en V.O pour apprécier les trois langues du film !
;