Monstres ou Innocents ?
Saori est une mère célibataire qui tente d’élever son fils Minato dans le respect des anciens et des valeurs morales. Installée dans un petit appartement au cœur d’une banlieue japonaise, elle constate que son enfant rentre de l’école avec des blessures et que certaines de ses affaires disparaissent. Inquiète et suspicieuse, elle se rend auprès de son professeur Monsieur Hori et réalise que ce dernier brutalise Minato.
Face à une directrice insensible et au manque de sanctions de l’équipe éducative, Saori commence à mener son enquête. Interrogeant les élèves ou les professeurs, elle découvre toutes sortes d’indices et cherche à comprendre ce qui se passe au sein de cet étrange établissement mais aussi dans la tête de son fils…
Un scénario en double lecture
Le nouveau film de Kore-Eda Hirokazu (Une affaire de famille, La vérité, Les bonnes étoiles) présente une très belle construction scénaristique qui nous entraine au cœur d’un climat paranoïaque pour nous proposer en seconde partie un superbe retournement. Kore-Eda Hirokazu a en effet conçu son œuvre cinématographique via une double lecture confrontant les ténèbres à la lumière.
Aussi joueur que manipulateur, le talentueux réalisateur nous prend sans cesse à témoin et place graduellement des clefs au fil de sa narration qui troublent nos esprits avec maestria.
Un film entre douceur et cruauté
Grace aux non-dits et au climat de violence sous-jacente, le spectateur est sans cesse désorienté, d’autant plus que les acteurs sont étonnants de réalisme. Emmitouflés dans leurs silences et leurs secrets, ils font preuve de doutes et d’une cruauté doucereuse qui nous rappelle le cynisme du thriller norvégien The Innocents (signé Eskil Vogt) mettant en scène des enfants assassins.
Dans le rôle de la mère, la comédienne Sakura Andô compose un personnage à la fois fort et sensible qui tente de faire perdurer la fragile complicité qu’elle a réussi à créer avec son fils Minato.
Ce dernier est interprété par l’excellent Soya Kurokawa qui confère à son protagoniste un mystère frôlant la bipolarité. À ses côtés, le tout jeune Hinata Hiiragi prête sa candeur à Yori, le camarade de classe de Minato : derrière la bonhomie et les maladresses de cet enfant se dessine un comportement singulier mettant mal à l’aise les spectateurs.
Il en va de même d’Eita Nagayalma qui incarne un professeur martyr, sans parler de la directrice d’école dont le mutisme nous laisse soupçonner une démence sous-jacente.
Prix du scénario au Festival de Cannes 2023 mais aussi Queer Palm, cet excellent long métrage va vous déstabiliser jusqu’à la dernière minute et vous montrer à quel point un spectateur peut se laisser prendre à un jeu dont il ne possède pas toutes les cartes…
Un conseil ? Ne vous fiez pas aux apparences !
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
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L’innocence (Kaibutsu)
Un film d’Hirokazu Kore-eda
Avec Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa et Hinata Hiiragi
En salle le 27 décembre 2023