L’Arche et le Château: une singulière odyssée
L’Arche et le Château est un monologue qui raconte l’incroyable histoire des orphelins de la Gaudinière. Avec beaucoup de tendresse et de pédagogie, le comédien Xavier Kutalian retrace le périple de ces enfants rescapés du génocide des Arméniens qui durent quitter leur terre natale pour se retrouver dans un château en ruine au cœur d’une forêt du Loir-et-Cher.
Inspirée par un recueil de son grand-père qui fut l’un des orphelins du château de la Gaudinière, la pièce de Xavier Kutalian nous fait voyager de Constantinople à la Ville-aux-Clercs en passant par New-York, la Suisse ou la Roumanie.
Dans cette aventure ponctuée d’escales tristes et joyeuses, se dessine la figure imposante d’un généreux mécène nommé Mirhan Karagheusian qui fonda en 1921 l’orphelinat initial au sein de l’Empire Ottoman: avec l’aide de son ami, le Docteur Tavitian, il recueillit 75 enfants arméniens dans le quartier stambouliote de Couzgoundjouk et les sauva du joug turc dès 1923.
S’appuyant sur une carte du monde dessinée sur un grand drap blanc, Xavier Kutalian nous explique l’épopée de ces gamins en offrant aux spectateurs un véritable cours d’histoire : évoquant le génocide, le traité de Sèvres ou les missions du Near-Est Relief auprès des Chrétiens d’Orient, il parsème sa scène de souvenirs lointains et d’émouvants témoignages.
L’ensemble de la pièce repose sur son interprétation vive et nuancée car le comédien incarne successivement tous les personnages de son récit : tour à tour orphelin, préfet, directeur ou mécène, Xavier Kutalian prend très à cœur sa narration et transmet une belle émotion. Accompagné de quelques valises, d’un khatchkar et d’un duduk fredonnant À la claire fontaine, il fait revivre avec beaucoup de respect la mémoire de ces rescapés.
Rencontre avec Xavier Kutalian
Florence Gopikian Yérémian : Comment est née l’idée de cette pièce ?
Xavier Kutalian : Comme je le raconte en début de spectacle, lorsque mes grands-parents sont décédés, on a dû vider la maison et j’ai retrouvé un registre datant des années 70. Ce dernier contenait les notes de Noubar Tavitian qui avait succédé à son père à la tête de l’orphelinat de la Gaudinière où mon grand-père avait grandi. En transposant ces témoignages en pièce théâtrale, je me suis dit que je rendais hommage à ces hommes mais aussi à Mirhan Karagheusian qui a fondé ce foyer en 1921 et à tous les orphelins arméniens qui y ont séjourné.
Avez-vous pris contact avec les descendants de ce foyer ?
Pour écrire ma pièce, je suis resté à distance afin de laisser ma créativité libre de composer. Par contre, depuis le début des représentations au Studio Hébertot, j’ai rencontré des petits-enfants du foyer. Tous sont très enthousiastes et veulent organiser une fête pour les 100 ans de la Gaudinière : il se pourrait que cet été, je joue mon spectacle à l’endroit même où se trouvait le château des orphelins !
Comment êtes-vous devenu comédien ?
C’est un long cheminement. J’ai démarré il y a une quinzaine d’années en amateur en prenant soin de toujours conserver un travail à côté. Cela m’a permis de gagner ma vie mais aussi de rester créatif, de pouvoir jouer, d’écrire et de prendre des cours. Durant ma formation, j’ai suivi un stage très marquant auprès de Jean-Laurent Cochet et j’ai fait deux ans d’étude avec Raymond Acquaviva.
Vous y avez rencontré le comédien Xavier Lemaire (interprète de la célèbre pièce « Signé Dumas ») qui est devenu votre metteur en scène ?
Oui. Xavier et moi, nous nous sommes croisés en 2017 aux cours Acquaviva et j’ai joué, par la suite, dans l’une de ses mises en scène au Théâtre la Bruyère (« Là-bas, de l’autre côté de l’eau »). En 2023, j’ai organisé une lecture de ma pièce « L’arche et le château » où je l’ai convié et il m’a dit qu’il voulait faire partie de l’aventure.
Qu’a t’il apprécié dans votre œuvre ?
Je pense qu’il a aimé la sensibilité que j’insuffle à cette histoire et surtout l’aspect universaliste et humanitaire de cette odyssée. Ce sont des éléments que l’on retrouve régulièrement dans les pièces de Xavier et j’y suis également attaché.
Au final de votre pièce, vous dites que le fondateur de l’orphelinat, Mirhan Karagheusian souhaitait que chacun des orphelins aie appris un métier en quittant son foyer. Quel a été celui de votre grand-père ?
Il a appris à fabriquer des chaussures. Il a ainsi pu ouvrir un atelier puis deux boutiques dont l’une à Paris et l’autre à Asnières-sur-Seine. La totalité des orphelins de la Gaudinière sont soit devenus artisans, soit commerçants. Malgré leur implantation en milieu rural au sein de la petite commune de la Ville-aux-clercs, aucun n’est devenu fermier ou agriculteur.
La Fondation de Mirhan Karaghueusian existe t-elle toujours ?
Bien sûr et elle est très active. Actuellement, elle reste présente au Liban et en Arménie. Sa mission s’est d’ailleurs élargie : la fondation se consacre à la fois aux enfants, aux familles dans le besoin, mais elle procure aussi des soins médicaux, une assistance sociale et elle propose également des accompagnements professionnels.
L’Arche et le Château
