Let’s Get Lost : portrait en clair-obscur de Chet Baker
Let’s Get Lost est un documentaire musical sur la vie sinueuse du trompettiste Chet Baker. Réalisé par Bruce Weber en 1988, ce long-métrage revient cet été sur les écrans pour le plus grand bonheur des fans de cool jazz et des amateurs de films alternatifs.
Premiers pas d’un jazzman blanc
Sorti quatre mois après la mort de Chet Baker, Let’s Get Lost prend place essentiellement dans les années 50 et s’étire jusqu’en 1987. D’Oklahoma à New York en passant par l’Europe, on y voit le jazzman sillonner les routes, enchainer les conquêtes et tomber progressivement dans les affres de la drogue.
Personnage complexe et fascinant, Chet Baker a beaucoup apporté à l’univers du jazz grâce à l’approche légère, sensuelle et délicate de son jeu. Selon la légende, le grand Charlie Parker aurait dit en parlant de lui à Miles Davis et Dizzy Gillespie « Ce petit blanc va vous donner beaucoup de fil à retordre ».
L’essence tragique de Chet Baker
À travers des images d’archives et des témoignages de ses proches, le réalisateur Bruce Weber nous offre un portrait en clair-obscur de cet immense artiste et de sa déchéance. Grace à son choix photographique pour le noir et blanc, il plonge les spectateurs dans une esthétique hors du temps et nous fait capter avec subtilité l’essence chaotique de Chet.
Dans un pêle-mêle d’interviews désordonnées et d’extraits de concerts, on assiste ainsi à la naissance du Gerry Mulligan Quartet, on s’invite au festival de Jazz de San Remo en 1956 et l’on comprend la contribution de ce trompettiste si singulier au monde du jazz.
Le crooner de ses dames
Parallèlement à son talent incroyable, on savoure le charisme et l’aisance scénique de Chet, on croise ses amis musiciens de la côte californienne, on aperçoit Chris Isaac dans sa prime jeunesse et l’on découvre à quel point Baker était un homme à femmes.
La seconde partie du film est d’ailleurs consacrée à cet étrange « harem » qui ne cesse de se disputer. On se demande réellement pourquoi le réalisateur s’est éternisé sur les chamailleries de ses ex car ces séquences filmées en trop grand nombre n’apportent pas grand-chose au biopic.
Confessions d’un trompettiste héroïnomane
Fort heureusement, la présence récurrente de Chet qui chante et nous parle de son passé avec mélancolie demeure le fil directeur de ce bel hommage cinématographique. De sa voix éraillée et souffreteuse, le junkie trompettiste se souvient de sa gloire d’antan et fait le constat amer de sa décadence et de ses penchants à l’autodestruction.
Les yeux creux et le visage émacié, il fait peine à voir mais ses murmures de crooner associées au son de sa trompette nous plongent dans une nostalgie où l’on se perd volontiers comme nous y incite le titre du film : Let’s Get Lost.