Planète B : Quid des prisons virtuelles ?
Dans une France futuriste, le gouvernement tente de démanteler une cellule ecoterroriste répondant au nom de la R. Lors d’une rixe avec des CRS, l’artilleuse Julia Bombarth qui fait partie des représentants les plus actifs de ce mouvement criminel se fait attraper. En attente de son procès, la jeune femme se retrouve enfermée dans une prison virtuelle aux côtés de cinq autres délinquants. Semblable à un hôtel de luxe, cette taule aux allures paradisiaques va progressivement s’emparer de l’esprit des captifs jusqu’à les rendre fous.
Un film de SF made in France !
Après Les héros ne meurent jamais (2018), ce second film d’Aude Léa Rapin nous entraine dans un univers dystopique rarement abordé par les cinéastes hexagonaux. Véritable long-métrage de science-fiction made in France, Planète B innove également car la réalisatrice a eu l’audace de choisir des femmes comme héroïnes futuristes de son histoire.
D’un côté, il y a Adèle Exarchopoulos (Le règne animal) qui interprète l’activiste écologiste Julia Bombarth ; de l’autre, on découvre Souheila Yacoub dans le rôle de Nour, une journaliste iraquienne qui tente de survivre en faisant des ménages sur une base militaire.
Au fil du récit, les parcours de ces deux protagonistes vont se croiser, à mi-chemin entre le monde réel et le monde virtuel : par un pur hasard, Nour va, en effet, se retrouver en possession d’un casque de réalité augmentée qui va lui permettre de s’infiltrer dans l’établissement pénitentiaire de Julia. En comprenant la torture psychologique imposée par le gouvernement à ces prisonniers, Nour va tenter de les sauver.
Une critique du métavers et de ses dérives
En écho à l’essai de Michel Foucault « Surveiller et punir : naissance de la prison », le film d’Aude Léa Rapin réactualise l’analyse des dérives du monde carcéral au sein d’une société démocratique.
La proposition est doublement intéressante car elle critique non seulement l’abus de pouvoir mais interroge également sur l’utilisation détournée et manipulatrice du métavers. Peu de gens réalisent l’emprise ascendante de ces espaces virtuels où beaucoup de jeunes préfèrent passer leur temps pour ne pas avoir à affronter la réalité. A ce titre, le métavers se positionne comme une prison mentale qui rejoint la thématique carcérale de Planète B. Les scènes violentes du film où les opposants ont des cauchemars successifs nous montrent d’ailleurs à quel point un programme peut parvenir à contrôler l’esprit humain. Si, de surcroit, ce dernier est prisonnier ou se laisse inconsciemment enfermer, l’absence de rédemption peut très vite mener à la folie.
Parallèlement à ces questionnements sur la répression, l’autoritarisme et la fin des libertés, Aude Léa Rapin met en avant de nombreux problèmes liés à l’écologie et aux politiques migratoires. A travers le personnage révolté de Julia, on devine l’affection profonde de la réalisatrice envers les écoactivistes. De son côté, la figure étrangère de Nour en quête de « QR code de séjour » nous ramène aussi à la problématique contemporaine des migrants et de leur devenir.
Une facture visuelle à approfondir
Avec autant d’éléments intéressants et une si belle tête d’affiche (Souheila Yacoub est exceptionnelle), on regrette que le film ne décolle pas : par-delà sa thématique, son suspens et son rythme assez haletant, la narration demeure décousue, la facture visuelle manque de consistance et les héroïnes restent en surface.
On aurait aimé découvrir des décors futuristes mieux construits, des passages entre les mondes plus cohérents et des personnages aux caractères plus creusés (Julie n’a pas assez de profondeur pour permettre à Adèle Exarchopoulos de pleinement s’exprimer).
L’origine de ces faiblesses cinématographiques vient certainement d’un manque de moyens (N’est pas Besson qui veut !) et puis n’oublions pas que ce n’est qu’un second film. Malgré les maladresses, un grand bravo à Aude Léa Rapin pour ses idées et sa prise de risque ! On attend son prochain film avec impatience.
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
Planète B
Un film d’Aude Léa Rapin
Avec : Adèle Exarchopoulos, Souheila Yacoub, India Hair, Paul Beaurepaire et Eliane Umuhire
Sortie : le 25 décembre 2024
Photos : Carole Bethuel