Nous poursuivons notre exploration des lieux reculés de l’archipel à Kôchi. Cette ville tout au sud de l’île de Shikoku, à quelques sept heures de train de Tokyo, a des trésors historiques à faire valoir.

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Pour une “petite” ville, le musée de Kôchi présente bien.

Le premier arrêt à faire absolument est le rutilant musée d’histoire de Kôchi, idéalement construit à deux pas du château que nous verrons plus bas.

Un musée pas dénué d’intérêt

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Cet établissement possède des cartes fascinantes pour ce qui est de la manière dont le Japon était perçu lors de sa découverte par les occidentaux. Ce croquis fait pour des explorateurs portugais en 1595 montre une connaissance impressionnante de la structure de l’archipel, en dépit des moyens limités de l’époque et alors qu’ils venaient pratiquement d’arriver! Hokkaido manque mais le reste de l’archipel est déjà assez complet.

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Une autre à voir absolument est cette carte de la région de Kôchi, alors appelé Tosa à l’époque d’Edo. En s’approchant, on peut voir que chaque colline, chaque petit village a été répertorié. On voit l’icône du château de Kôchi dessiné au centre. Un travail incroyable qui a dû prendre un temps faramineux avec les moyens du XVIIe-XVIIIe siècle! Une troisième, dans la même veine, fait carrément deux mètres de hauteur!

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Doté d’une très belle frise, le musée raconte en détail l’histoire de la ville, œuvres, documents, et armement d’époque à l’appui. A la fin de l’époque des guerres civiles, le clan Yamauchi est chargé d’administrer le domaine de Tosa, avec en son centre l’actuelle Kôchi. Mais leur position n’est pas très enviable, puisqu’ils ont le rang de tozama, les seigneurs généralement éloignés du pouvoir central et qui doivent littéralement “pointer” à Edo pour servir le Shogun. Leur marge de manœuvre est limitée, et les oukazes du gouvernement tendent à mettre les finances de Tosa en péril. Les Yamauchi n’en règneront pas moins pendant seize générations jusqu’à l’ère Meiji.

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Le musée possède un exemple de Kawaraban. Ce type de presse déjà existant à l’ère Edo utilise des blocs de bois gravés pour imprimer des nouvelles à l’encre noire. Celui-ci date du milieu du XIXe siècle et sert à avertir les différentes régions de l’arrivée des bateaux noirs américains.

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Kôchi n’a pas vraiment eu de chance au XXe siècle, ni pendant la guerre, ni après. La ville fut rasée par les bombardements en 1944-1945, et sort du conflit dans un état désolant. En 1946, un méga-séisme de magnitude huit sévit dans le sud pays, et Kôchi est engloutie par un tsumani de 4 à 6 mètres. On parle de 1300 morts. La reconstruction avait à peine commencé et prendra des années.

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Comme souvent au Japon, les seigneurs d’autrefois sont des figures révérées et on est pas surpris de trouver une statue de Katsutoyo Yamauchi, premier daimyô (seigneur féodal) de Tosa. Né en 1545, il sert Hideyoshi à partir de 1573 et sera récompensé par deux fois. Il se range aux côtés de Ieyasu Tokugawa en 1600, et reçoit le domaine de Tosa.

Un château fidèle à la réalité

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Ce château est l’un des rare à conserver un intérieur authentique.

Après d’interminables escaliers parcourus sous la chaleur infernale du Japon du Sud, le visiteur accède au joyau de cette région que représente le château de Kôchi. Katsutoyo Yamauchi en décide la construction en 1601 et renomme le mont Otakasaka en “Kôchi”, mais en l’écrivant avec des idéogrammes différents de ceux de la ville d’aujourd’hui. Il sera achevé dix ans plus tard. C’est là que son successeur Tadayoshi, estimant le “Kôchi” de départ peu auspicieux, demande à un prêtre éminent de proposer un nouveau nom. “Kôchi” est conservé, mais s’écrit depuis lors 高知, signifiant “la grande connaissance”.

Construit après les turbulences du moyen-âge, Le château de Kochi n’a jamais vu la guerre. Malgré un incendie en 1727, la structure originale de l’édifice est encore parfaitement observable par le visiteur de 2024. L’intérieur tel que reconstruit en 1753 est aussi impeccable de passionnant.

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On y trouve une version grand format du symbole du clan Yamauchi. Il ne vous rappelle rien? Un certain Yatarô Iwasaki s’en inspirera bien plus tard pour fonder une grande entreprise japonaise, Mitsubishi. Si les Yamauchi avaient trois feuilles de chêne, Mitsubishi signifie littéralement “trois losanges”.

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Les étages sont du coup totalement d’époque. Peu de châteaux ont encore ces escaliers ultra raides aussi dangereux à monter qu’à descendre.

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Miraculé de guerre car visé mais pas touché en 1945, le bâtiment n’aura pas autant de chance lors du séisme de 1946. La structure parvient à résister mais les murs en ressortiront grandement endommagés. Déjà considéré comme trésor national depuis 1934, le château commence à être complètement rénové à partir de 1948. Des travaux complexes qui ne s’achèveront qu’en 1959.

Thomas Froehlicher est chroniqueur Japon & Gaming. Rédacteur pour plusieurs sites spécialisés dans le jeu vidéo, il intervient sur l'actualité vidéo-ludique depuis trois ans. Sa passion pour la culture japonaise, aussi bien classique que moderne, l'a poussé à en étudier la langue en parallèle de sa majeure en finance, puis à effectuer un semestre d'échange universitaire à Sophia University à Tokyo. Il est titulaire du Japanese Language Proficiency Test niveau 1 depuis 2012, et depuis ne jure que par les versions originales en japonais.