C’est une première dans l’histoire de la télévision française. Deux chaînes ne sont plus autorisés à émettre sur leur fréquence, C8 et NRJ12. Le triste générique de fin d’un long feuilleton avec parmi les acteurs principaux l’Arcomet son costume de gendarme de l’audiovisuel, à l’origine de cette décision validée après des mois de débats par le Conseil d’État. Résumé.

Cyril Hanouna - TPMP - C8 -
Cyril Hanouna / TPMP

L’origine du conflit

Des dérapages en série, la diffusion de fausses informations, des émissions peu diversifiées pour trop de rediffusions.Des points qui ont programmé C8 dans le viseur de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, dite l’Arcom. Sa mission : garantir la liberté de communication et le respect des obligations légales et réglementaires dans son secteur comme le faisait le CSA jusqu’en 2022. Et en cas de non respect émettre des sanctions allant d’un courrier informatif à une mise en garde voire une mise en demeure. Etape pouvant entraîner la suspension d’un programme dans sa totalité ou en partie durant un mois ou une amende financière. C’est justement l’une des raisons qui a poussé la chaîne du Groupe Canal vers la sortie. En cause les nombreux dérapages sur le plateau de « Touche pas à mon poste », mis en faute pour son manque de maîtrise de l’antenne tant dans la forme que le fond. Que ce soit pour un baiser forcé entre Cyril Hanouna et une chroniqueuse, jugé comme séquence susceptible d’humilier une personne. Ou l’invitation de faux policiers de la BRAV-M en juin 2023 contraire à l’honnêteté et rigueur de l’information. Sans oublier le face à face musclé avec le député Louis Boyard. Des séquences qui ont coûté 8 millions d’euros à la chaîne déjà déficitaire de 36,3 millions d’euros en 2023. Problème commun à NRJ12 et son déclin financier totalisant -22,9 millions d’euros la même année. Contrairement à son concurrent en partie par manque d’audience. Autre élément reproché aux deux chaînes leur trop nombreuses rediffusions. Jusqu’à 1700H pour C8 et sa programmation en boucle de feuilletons anciens comme « Comissaire Magellan » ou « Mongeville ». Contre à peine 16H de direct hebdomadaire, loin de la promesse vendue à l’époque par Direct 8 et donc de ses obligations prévues dans son cahier des charges. Tandis que l’Arcom a pointé du doigt le « manque d’originalité » de NRJ12 misant d’avantage sur du téléachat que des programmes inédits. Tout en jugeant la chaîne trop optimiste côté « prévisions de croissance des recettes publicitaires ».

NRJ12 - soutien

Un bras de fer musclé et longue série de rebondissements

En février dernier déjà, le président de l’Arcom Roch-Olivier Maistre annonçait son projet de repartir « d’une page blanche » avec le respect du pluralisme en ligne de mire. Chantier qui a commencé par un appel aux candidaturesauxquels ont répondu 25 dossiers pour seulement 15 fréquences disponibles dont 11 gratuites et une bonne partie déjà en place. Avec pour départager tout ce petit monde des critères techniques, la solidité financière, ligne éditoriale et expérience de la direction. À la clé : une fréquence TNT attitrée pour dix ans, renouvelable une fois pour cinq ans. Puis par procédure d’attribution d’autorisation d’usage des ressources radioélectriques pour la diffusion de services sur les canaux TNT, appartenant au domaine public.

C8 soutien

Cinq mois plus tard, l’heure était à la présélection des projets. Avec parmi les retenus une chaîne du groupe CMI et une autre de Ouest France. Mais aucune trace de C8 ni NRJ12 pour qui l’avenir semblait déjà compromis. Rumeur confirmée en décembre dernier lors de la publication de la liste définitive des 11 heureux élus. BFMTV, Cnews, Cstar, Gulli, LCI, Paris Première, TFX, TMC et W9 restant donc sur la TNT jusqu’en 2035. Ainsi que deux nouveaux T18 et OFTV qui prendront l’antenne les 6 juin et 1er septembre 2025. Le tout autour d’une nouvelle numérotation.
Annonce qui ont fait bondir NRJ12 et C8 qui ont tous deux saisi en référé en urgence en réclamant la suspension des décisions de l’Arcom entraînant leur exclusion. En plus de soutien de politiques et pétitions dont celle en soutien de C8 signée par près d’1 millions de personnes. Appel malheureusement rejeté par l’Arcom bien décidé à ne pas céder aux pressions et à contrer les arguments de la défense plaidant entre autre la faiblesse des dossiers validés. Pas de quoi déstabiliser les deux plaignants qui jusqu’à la dernière minute se sont battus pour rester à l’antenne.

TNT -

Un possible retour à l’antenne

Jusqu’à mise sur un ultime recours ce 19 février 2025 lors d’une audience avec le Conseil d’État. Plus haute juridiction administrative française qui là encore a validé la décision de l’Arcom entraînant donc la perte de canal de C8 et NRJ12. Avec une close, pouvoir postuler à nouveau lors du prochain appel à candidater. Des chaînes en l’état trop fragiles financièrement pour basculer sur le câble ou satellite comme l’avaient fait à l’époque Canal J et AB1. Un verdict contesté par NRJ12 criant à une « injustice profonde » en plus d’une manquement « au pluralisme de l’offre de contenus » et « liberté d’expression et d’opinion ». Rejoint par C8 dans l’incompréhension totale déplorant « le sacrifice » de toute une organisation menaçant l’emploi de 400 collaborateurs et prestataires. Une centaine du côté des équipes de NRJ12. Deux victimes qui vont engager une procédure « niveau européen » pour faire constater« l’irrégularité des décisions » et obtenir la réparation du préjudice important causé. Leur reste un espoir : retenter leur chance lors du prochain appel à candidatures pour quatre fréquences qui se libèreront en juin. Ce sera lors au régulateur de trancher et leur réattribuer ou non les fréquences laissées libres. Mais toujours à condition de persuader l’Arcom de leur accorder cette renaissance.

DROUIN ALICIA