Peu de gens savent que Camille Pissarro est né aux Antilles et qu’il y a vécu près de vingt cinq ans. Cela pourrait pourtant expliquer sa maîtrise innée de la lumière et des couleurs que l’on retrouve sur l’ensemble de ses toiles. Qu’il s’agisse d’un clocher, d’une ferme ou d’une scène de cueillette, les œuvres de ce peintre possèdent en effet une palette rayonnante et une incroyable vibration.
Pour vous en convaincre, le Musée du Luxembourg a rassemblé une centaine d’aquarelles et de tableaux au sein d’une exposition retraçant le séjour de Pissarro à Éragny. C’est au sein de ce minuscule village vexinois que l’artiste a passé les dernières années de sa vie accompagné de sa femme et de ses huit enfants.
Installé dans la “Maison Delafolie” mais adepte de la peinture en plein air, Pissarro a su capter l’univers rural d’Éragny avec ses paysans, ses vergers et ses panoramas verdoyants. Qu’il s’agisse des près fleuris ou des plaines alentour, il a traduit l’atmosphère chaude et ondoyante de ces terres fertiles et mis en avant les travaux des champs : moissonneurs, faneuses ou faucheurs, tous sont mis à l’honneur sur ses huiles mais aussi à travers ses études au crayon et à l’encre de Chine.
Adepte du pointillisme à la Seurat, Camille Pissarro a opté pour une touche plus lyrique que son acolyte et il l’a progressivement fait évoluer vers une variante sensible et personnelle du néo-impressionnisme. Fidèle à la devise anarchiste dont il se revendique, il a appris a dessiner “sans Dieu ni maître”, cherchant des effets de lumières à travers les lavis et pratiquant la technique des séries pour moduler librement sa gamme chromatique et ses tonalités.
Lorsque l’on s’attarde sur les noces campagnardes et les vues bucoliques de Pissarro, l’on voit très nettement que le peintre laisse la nature et les paysans se confondre sans aucune hiérarchie. Tout y est simple, calme et évident. Au fil de cette douce promenade artistique, le visiteur ressent d’ailleurs une impression de recueillement avec la nature et le rythme des saisons. Il ressort de l’exposition apaisé avec le sentiment d’avoir contemplé les images d’une modeste fresque sociale reflétant l’utopie d’un homme emprunt d’égalité et de liberté.