Le nouveau film de Todd Haynes met en parallèle le destin de deux enfants à soixante ans d’intervalle. D’un côté, il y a Rose, une jeune sourde-muette qui habite une très belle demeure dans le New-Jersey des années 30, et de l’autre il y a Ben qui vit avec sa tante dans le Minnesota de la période disco. Les deux gamins sont profondément malheureux et ils décident de fuguer pour rejoindre New-York : Rose souhaite y retrouver une mystérieuse actrice (Julianne Moore) qu’elle semble aduler au fil des magazines, quant à Ben, il est à la recherche de son père dont le nom figure sur le marque-page d’un vieux livre. Telles deux étoiles filantes, ces enfants perdus vont tracer leurs propres chemins et finir par se rencontrer…
Adapté du livre de Brian Selznick, Le Musée des Merveilles nous transporte dans un univers feutré et onirique à mille lieues de la frénésie des productions Marvel et de ses super-héros. Le monde de Ben et Rose ne mise, en effet, ni sur l’action, ni sur les effets spéciaux: à travers la douceur de son rythme et de ses teintes sépia, ce récit un peu magique a choisi d’inviter le spectateur à la rêverie et la contemplation.
Les deux héros étant enfermés alternativement dans leur surdité, le réalisateur a opté pour un film très visuel porté par la musique de Bowie et Carter Burwell. Peu de dialogues donc mais une esthétique sublime et vaporeuse faisant contraster l’atmosphère des deux époques à travers lesquelles Ben et Rose se promènent : entre le noir et blanc du siècle dernier et les couleurs édulcorées des années 80, Todd Haynes nous livre de superbes passages chromatiques qui soulignent l’ambiance sourde et étrange du récit. Tel un explorateur fétichiste, sa caméra s’attache aussi à la beauté formelle des architectures, aux effets de lumière et aux expressions des visages. Qu’il s’agisse des rues de New-York, des maisons du Minnesota ou du Musée d’Histoire Naturelle où se déroule le coeur de l’intrigue, tout y est dépeint dans le moindre détail : les jouets de Ben, les découpages de Rose, les météorites et les loups empaillés du Museum… Avec patience et curiosité, l’on se laisse donc entrainer parmi ces objets bizarres et fantaisistes qui nous donnent peu à peu les clefs de l’histoire.
Ben et Rose sont en effet liés par un secret qu’aucun des deux ne peut soupçonner. Perdus et solitaires au coeur de leurs époques respectives, ils sont en quête d’identité et s’attachent à des rêves et des intuitions qui vont devenir les indices d’un jeu de piste inattendu.
C’est à Oakes Fegley que revient le rôle du petit Ben: à la fois candide et audacieux, ce jeune acteur séduit le public par sa décontraction et l’insupportable frange qui ne cesse de lui tomber sur les yeux. En parallèle, le personnage de Rose est interprété avec beaucoup d’émotion par Millicent Simmonds. Sourde de naissance, cette charmante actrice nous fait parfois songer à un petit animal apeuré qui n’a pas conscience des dangers qui l’entourent. Sa surdité réelle, son étonnante aisance corporelle et son immense regard contemplatif apportent un côté doux et agréablement décalé à l’ensemble de son interprétation.
C’est donc avec beaucoup de plaisir que l’on suit les pérégrinations transgénérationnelles de ces protagonistes. Même si le film est excessivement lent et prévisible, il possède une respiration singulière et une beauté grisante apte à séduire les adultes qui ont su garder leurs âmes d’enfants. Difficile de savoir, par contre, si les jeunes générations vont se laisser porter par ce cache-cache onirique à Manhattan: le côté un peu désuet des dioramas et des cabinets de curiosités risque en effet d’ennuyer les adolescents en quête de sensations fortes. Mais tout est question de sensibilité…
Le Musée des Merveilles ? Une histoire d’apprentissage pour ceux qui savent encore lever leurs yeux vers les étoiles…
Le Musée des Merveilles
(Wonderstruck)
Un film de Todd Haynes
D’après le roman de Brian Selznick
Avec Millicent Simmonds, Oakes Fegley, Julianne Moore, Jaden Michael, Michelle Williams, Tom Noonan, James Urbaniak, Cory Michael Smith, Amy Hargreaves, Morgan Turner, Sawyer Nunes.
Musique de Carter Burwell
En salles : le 15 novembre 2017
À l’occasion de la sortie du film, le livre de Brian Selznick (également auteur d’Hugo Cabret) est réédité chez Bayard Jeunesse.
Ce roman pour enfant propose une narration double conjuguant les mots et les images : l’histoire de Ben est racontée en prose, tandis que celle de Rose se déploie à travers de grandes illustrations en noir et blanc. Un chassé-croisé aussi graphique que littéraire.
Le musée des merveilles
À partir de 12 ans – 628 pages – 13,90€
En librairie : le 2 novembre 2017