Pauline a tout pour être heureuse: une maison, un travail, deux grandes filles et un époux. Pourtant, la veille de Noël sa vie va basculer : son mari la quitte pour une jeune donzelle ! Accablée par cette nouvelle, Pauline commence à perdre pied mais quelqu’un interrompt soudain ses pensées : alors qu’elle ne s’y attend passon chagrin sonne à la porte, bien décidé à lui pourrir l’existence… en personne !
Écrite par Sophie Forte et Virginie Lemoine, cette comédie de boulevard parle d’amour en explorant avec sarcasme tous les clichés de la femme larguée. Aussi complices que déjantées, les deux auteures ont judicieusement choisi de faire la nique aux peines de coeur en les tournant en dérision. L’esprit vif et décalé, elles ont eu la bonne idée de personnifier “le chagrin” sous les traits d’un homme qui ne va plus quitter leur protagoniste.
Bien que cette “allégorie sur patte” nous fasse songer au film de Blier (Le bruit des glaçons) mettant en scène Jean Dujardin face à son cancer (Albert Dupontel), la pièce de Forte & Lemoine tend d’avantage vers la farce et déborde d’optimisme: évoluant dans un décor à tiroirs, les multiples personnages de Chagrin pour soiaccumulent, en effet, les blagues et les cabrioles pour le plus grand plaisir du public.
Le rôle de Pauline revient à sa génitrice, Sophie Forte, qui l’incarne avec un grand enthousiasme.Engoncée dans un vieux peignoir à fleurs et des chaussons ridicules, la mutine comédienne fait passer sa protagoniste par tous les stades de la dépression: entre le déni, la haine, les regrets et les cuites, elle s’amuse à composer mille émotions à la minute sans parvenir hélas à se débarrasser de “son foutu chagrin” …
Il faut dire que ce chagrin a belle allure : interprété par Tchavdar Pentchev, il a l’élégance d’un danseur de Broadway et la tendresse excessive d’un animal de compagnie en manque de câlins. Déjà remarqué au Lucernaire pour son sens de l’autodérision (De quoi parlez vous ? – Cinq pièces courtes de Tardieu), Tchavdar Pentchev nous offre ici un savoureux mélange d’humour et d’insensibilité affectée. Follement classe derrière son nœud pap et sa queue-de-pie, cet acteur d’origine bulgare sait également se rendre très envahissant en tant qu’état d’âme : marchant dans les pas de Pauline du début à la fin de la pièce, il ne cesse d’enlacer sa victime en l’étouffant au sens propre autant qu’au figuré.
Vient enfin la surprise de la pièce : William Mesguich ! Tout droit sorti des affres de Hamlet ou des sombres cachots de Victor Hugo , cet étonnant comédien déstabilise son public habituel en se jetant de plain-pied dans le théâtre de boulevard ! Quel bonheur de le voir enfin lâcher prise dans un tel registre ! Ne se contentant pas d’un modeste rôle de mari, il incarne simultanément les filles de Pauline, son amie Odile, son coiffeur ainsi que toutes les « humeurs » de cette partition. Affublé de couettes ou de gants de boxe, on le voit ainsi se transformer en caméléon hystérique et imiter tour à tour l’Espoir qui frappe à la porte, mais aussi la Folie, la Peur ou le Quotidien ! De toute évidence, le répertoire comique sied à merveille à William Mesguich : il lui confère une joie de vivre et une assurance qui lui octroient toute la sympathie du public.
Il faut cependant avouer qu’avec de tels partenaires de scène, il était impossible de ne pas se déchainer : aucune inhibition n’est tolérée dans ce spectacle ! On crie, on chante des comptines, on danse le sirtaki, on pleure. Sachez que Chagrin pour soi ne se soucie pas des dialogues châtiés et que le scénario ne fait ni dans la dentelle ni dans le drame social. Cette pièce est tout simplement un divertissement surréaliste qui vous invite à la franche rigolade. Bien que l’histoire ait un peu de mal à démarrer, une fois que la sauce prend vous vous rendrez compte que plus rien n’arrête ces trois comédiens !
Merci donc à Pauline et à ses deux chevaliers servants de nous faire partager un tel chagrin !
Une comédie de Sophie Forte et Virginie Lemoine
Mise en scène : Virginie Lemoine assistée de Laury Andre
Avec: Sophie Forte, Tchavdar Pentchev et William Mesguich en alternance avec Pierre-Jean Cherer
Décor : Grégoire Lemoine
Lumières : Denis Koransky
Musique : Stéphane Corbin
Design sonore : Sébastien Angel
Chorégraphies : Wilfried Bernard
Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
Paris 9e
Métro Saint Georges
A partir du 15 novembre 2017
Du mardi au samedi à 21h
Le samedi à 15h30
Réservations : 0148747699
http://www.theatrelabruyere.com/spectacles/chagrin_pour_soi.php