Foujita : un peintre raffiné
Lorsque Foujita débarque à Paris en 1913, il est âgé de vingt-sept ans. Issu de l’école des Beaux-Arts de Tokyo, il maîtrise magnifiquement la technique de l’estampe mais cherche, de toute évidence, d’autres inspirations. Pris dans le tourbillon des Années Folles, ce peintre japonais va réinventer son style en intégrant une multitude d’influences et de thématiques occidentales à sa technique nippone.
L’exposition que lui consacre le Musée Maillol met en avant cette quête picturale faite d’hésitations, de recherches solitaires, de rencontres amoureuses et d’amitiés avec les artistes de son temps.
.
Une touche japonisante
Ceux qui ne connaissent pas Foujita, ne peuvent se tromper en découvrant ses oeuvres pour la première fois : il y a quelque chose d’extrême oriental dans cette façon de peindre.
Le silence, tout d’abord, qui entoure l’ensemble des personnages de l’artiste : un silence sourd, uniforme, laissant les fonds de toiles nus ou les couvrant de fine feuille d’or.
La délicatesse de la ligne ensuite, posée au pinceau avec une minutie et une précision évidente: quel que soit le sujet, ce trait d’encre ou de fin crayon est omniprésent chez Foujita comme une calligraphie qui se déploie à même la toile.
L’aspect décoratif enfin qui orne les huiles et les aquarelles de motifs végétaux et animaliers : une tasse de saké par-ci, un jeu de Go par-là, quelques oiseaux en arrière plan… Foujita aime les ornementations et les anecdotes, et il n’hésite pas à en placer dans ses compositions et ses paysages.
Pourtant, parmi ces femmes au visages de faïence et ces enfants aux traits de Bouddha, l’on distingue une multitude d’influences qui modèlent et transforment petit à petit la touche japonisante de ce peintre du Soleil levant.
.
.
En quête de son propre style
Par delà son travail sur soie et sa pondération initiale, l’Art de Foujita va donc évoluer avec le temps. Lorsque l’on compare son portrait de Kiki de Montparnasse à ses premières aquarelles à l’encre de Chine, la métamorphose saute aux yeux : l’aspect statique a disparu, le regard des personnages s’est gorgé de profondeur et l’approche illustrative de Foujita a cédé sa place a un dessin sensuel et introspectif.
Foujita se cherche. Foujita sillonne les musées. Foujita visite les galeries et côtoie Zadkine, Soutine et les autres artistes de l’Ecole de Paris. Bien sûr, cette quête picturale engendre des oeuvres inégales mais elle a l’avantage de nous révéler un vrai parcours d’artiste : au fil des salles du Musée Maillol, l’on voit ainsi se frôler un sage portrait orné de feuilles d’or, une gouache quasi-expressionniste, un petit chat courant après une souris ou un couple de lesbiennes tendrement enlacées.
Pour se trouver lui-même Foujita explore tous les thèmes possibles mais il essaye aussi toutes les techniques : la peinture traditionelle japonaise, l’émail, l’huile, le lavis… Il en va de même pour sa touche et son trait qui parviennent à opposer de fines odalisques modiglianiennes à de vulgaires graces callypiges.
.
Un art sacré
Parmi ces muses et ces catins, rayonnent cependant de précieuses madones : longiligne, pieuse et mélancoliques, ces délicates figures sont de véritables pépites à ne pas rater. Qu’elles soient ponctuées de couleurs trop vives ou de doux pastels, ces saintes images nous ramènent à l’art enluminé du Moyen-Âge et aux portraits fragiles d’Hans Memling.
De la taille de petites icônes, elles se détachent sur des fonds d’or, sont entourées de séraphins et illustrent merveilleusement l’intérêt de Foujita pour le sacré. Situées à mi-chemin entre le bouddhisme et le catholicisme, ces vierges à l’enfant captent inaltérablement l’attention des visiteurs à cause de la singularité de leurs yeux bridés et de leurs bouches minuscules.
Pour découvrir ces compositions mystiques aussi belles qu’étranges, attardez-vous dans l’alcove nommée « La part du sacré », vous y verrez également une poignante crucifixion.
.
Foujita se met en scène
L’exposition du Musée Maillol a un double interet car elle ne se contente pas de présenter la peinture de Foujita : par-delà les toiles, elle met en avant l’homme dans toute son exubérence. Ce parti-pris est ingénieux car Foujita est vraiment une oeuvre en soi. Il possède, bien sur, un talent pictural incontestable mais il est lui-même d’une originalité folle. Avec sa moustache minimaliste, sa coupe bol et ses petites lunettes rondes, ce peintre avant-gardiste a su créer un personnage à part entière.
Très attentif à son image, il se met sans cesse en scène, réalise de nombreux autoportraits et se laisse régulièrement prendre en photos dans des poses fantasques. Vêtus de tenues superbement élégantes, l’on peut ainsi le voir se déhancher comme un mannequin de Kenzo ou fixer l’objectif froidement en compagnie de son chat. Sa classe et son excentricité sont indéniables. Sa théâtralité mélancolique également. En replaçant Foujita dans le contexte des Années Folles l’on se dit que cet artiste devait être d’un exotisme fort séduisant pour ses contemporains. En le découvrant aujourd’hui, l’on sait qu’il le demeure toujours !
.
Foujita, les Années Folles
Musée Maillol
59/61, rue de Grenelle – Paris 7e
Du 7 mars au 15 juillet 2018
Tous les jours de 10h30 à 18h30
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30
Renseignements : 0142225958
Photos et reproduction : ©Fondation Foujita / Adagp, Paris 2018
Pour découvrir les missions de la Fondation Foujita :
http://www.fondation-foujita.org/