L’homme de Schrödinger
En dépit de son titre, cette drôle de pièce n’a rien de scientifique. Composée avec beaucoup d’humour, elle transforme l’expérience quantique de Schrödinger en une partition théâtrale plutôt fantaisiste.
Glissant de la physique vers la métaphysique, elle nous interroge sur l’instant présent, le soupèse et nous invite définitivement à le saisir.
Le chat de Schrödinger
Pour ceux qui ne connaissent pas Erwin Schrödinger, faisons simple : en 1935, ce scientifique autrichien a imaginé une expérience de pensée mettant en scène un chat placé dans une boite avec un flacon de gaz mortel. Si le flacon se brise, le chat meurt, cependant à l’échelle des particules, cet adorable animal peut demeurer à la fois mort et vivant tant qu’un observateur externe n’a pas ouvert la boite et constaté son décès… Complexe, allez-vous dire, et pourtant ce paradoxe des états superposés existe bel et bien dans l’univers fabuleux de la mécanique quantique !
Inspirés par cet étrange concept, Éric Chantelauze et Samuel Sené ont quelque peu laissé le petit chat de côté et imaginé un « homme de Schrödinger » s’enfermant volontairement dans une pièce dont il n’a qu’une chance sur deux de sortir vivant…
L’homme de Schrödinger
Cet homme c’est Sacha Aronovsky. Pétri de tocs, craintif et amoureux de la belle Sacha Petersen, il décide un jour de créer une agence matrimoniale où il met en pratique des “mathématiques sentimentales” : à l’aide de statistiques et d’équations, Sacha trouve ainsi l’âme-sœur de tous ses clients sans pourtant parvenir à se caser lui même. Hanté par le doute et gagné par la folie, il finit par s’enfermer dans une pièce et y séquestrer sa bien-aimée…
Un tandem ubuesque
C’est à Julien Ratel et Juliette Behar que reviennent les rôles complémentaires de Sacha et Sacha. Aussi rocambolesque que festif, ce drôle de tandem narre et interprète les aventures d’Aronovsky et de sa dulcinée avec un bel entrain. Tour à tour chanteurs, conférenciers ou comédiens, ils se livrent à une variation scénique et philosophique très expérimentale.
Ponctuant leur spectacle de clins d’oeil à Bogart et à la culture des années 80, ils invitent Pif Gadget, Léon Zitrone et Guy Lux sur la scène de l’Artistic Théâtre. C’est assez amusant et inattendu mais la plupart de leurs références demeurent, hélas, opaques aux yeux des nouvelles générations.
Il en va de même pour la partie dansée et chantée de cette pièce : lorsque Julien Ratel pousse la chansonnette et se lance dans des postures de hip-hop, on a du mal à comprendre si cet acteur est maladroit ou s’il recherche un effet comique. Autant ses monologues et ses séances chez le psy sont excellentes, autant ses chorégraphies nous laissent sceptiques.
À côté de ce drôle d’homme-orchestre, Juliette Behar nous charme de sa jolie voix. Droite et inflexible, cette comédienne possède une belle assurance et apporte un côté à la fois sensuel et professoral à l’ensemble du spectacle.
Une pièce (trop ?) ambitieuse
Réalisée par Eric Chantelauze, Samuel Sené et Raphaël Bancou, cette pièce ne pouvait qu’être musicale. Forts de leur dernier succès au Théâtre de la Huchette (Comédiens), ces trois talentueux créateurs ont voulu s’aventurer dans une partition scénique plus contemporaine.
Il en découle un spectacle d’une liberté si vaste qu’elle finit par s’égarer : entre une inspiration scientifique, des parenthèses musicales, quelques projections vidéos (fort réussies), des conférences doctorales et des moments dansés, tout se mêle sur le plateau sans pouvoir nous convaincre ou rester cohérent.
Chacune des idées proposées possède pourtant un interêt dans cette histoire philosophique mais elles ont tant de mal à s’articuler ensemble qu’elles nous font perdre le fil du récit.
Afin de mettre en adéquation une palette aussi variée que la danse, le théâtre, la vidéo, la musique, l’amour et les sciences, il eut fallu que les comédiens sachent jongler fluidement avec toutes ces catégories. Chacun des acteurs possède des talents propres mais l’ambition des auteurs est ici trop grande pour être exécutée à la perfection (du moins pour l’instant…). C’est dommage car avec l’ironie et l’autodérision de Juliette Behar et Julien Ratel, un pur moment de théâtre aurait été très convaincant.
L’homme de Schrödinger ? Un délire théâtral et métaphysique qui s’amuse à mettre en équation la mort et les sentiments…
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L’Homme de Schro?dinger – PDF SYMA News – Florence Ye?re?mian
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L’Homme de Schrödinger
Théâtre musical métaphysique d’Eric Chantelauze et Samuel Sené
Musique de Raphaël Bancou
Mise en scène Samuel Sené
Avec Juliette Behar, Julien Ratel et Lazare le Chat
Chorégraphie Amélie Foubert
Scénographie: Isabelle Huchet
Création vidéo : Harold Simon
Lumières : François Cabanat
Artistic Théâtre
45 rue Richard Lenoir – Paris 11e
Métro : Voltaire
Réservations : 0143563832
www.artistic-athevains.com
A partir du 2 novembre 2018
L’Homme de Schrödinger sera au Festival Off d’Avignon jusqu’au 28 juillet 2019 – RDV au Théâtre des Corps Saints à 20h45
Photos : © Philippe Escalier