Le Malade Imaginaire
Si Le Malade Imaginaire était écrit de nos jours, il s’appellerait peut-être « L’hypocondriaque farfelu » ou « Le nosophobique ». Depuis la création de cette superbe comédie par Molière, ce type de personnage excessivement anxieux a bel et bien été diagnostiqué comme pathologique mais, malgré ce triste constat, ses phobies prêtent toujours autant à rire. Daniel Auteuil l’a bien compris et il a fait le bon choix en remettant Argan, ses angoisses et ses pots de chambre sur la scène du Théâtre de Paris.
Argan et Toinette : des querelles de maître et servante
C’est accompagné de sa servante Toinette que le vieil Argan apparaît sur scène. Malgré la petite mine et les plaintes de son maître, Toinette n’a pas pour habitude de marcher dans son chantage affectif : la maligne a bien compris que le pauvre homme est en quête d’empathie et qu’il sert de vache à lait à tous les pseudo-médecins qui l’entourent.
Si cela se limitait aux purges et aux coûteux onguents de ces savants peu scrupuleux, Toinette ne s’en soucierait guère, mais voilà : obnubilé par ses fièvres, ses migraines et ses problèmes de foi, Argan a décidé de marier sa fille Angelique au fils d’un médecin ! Le jeune homme est stupide mais Argan n’en a que faire car ce futur beau-fils lui permettra de bénéficier de soins gratuits et permanents.
C’est sans compter sur le caractère bien trempé de Toinette qui va tout faire pour ruiner cet insensé mariage et montrer à son maître l’hypocrisie de ses semblables.
Daniel Auteuil et Aurore ? Un beau duo père-fille !
C’est à Daniel Auteuil que revient le rôle d’Argan. Enveloppé dans un immense peignoir-couverture et coiffé d’une toque ridicule, il trône sur ses montagnes de coussins prêt à ingurgiter toutes sortes de potions ou à recevoir dévotement un petit clystère ! Le jeu nerveux et la voix inquiète, Daniel Auteuil peste, maugrée, fait le mort à ravir et incarne les ahuris avec brio.
Accentuant le coté pataud et infantile d’Argan, il nous fait rire avec ses mimiques, ses souffrances imaginaires et son adoration à l’égard du corps médical. Drôle et généreux, le comédien sait aussi jouer la carte de la gentillesse et celle de l’amour paternel. Il nous livre d’ailleurs un très beau moment de complicité avec la petite Louison, sa cadette.
Face à Daniel, on découvre Aurore Auteuil, sa véritable fille, qui interprète Toinette avec une belle impertinence ! Coriace et arrogante comme une harengère, elle secoue son maître, l’agace et le provoque comme il faut afin d’éveiller en lui une once de lucidité (qui mettra vraiment son temps à faire surface !)
La comédienne s’en donne visiblement à coeur joie. Pas facile de donner la réplique à son propre père et de le sermonner sur scène face à des centaines de spectateurs, et pourtant Aurore Auteuil s’en tire haut la main !
Une mise en scène classique et efficace
La mise en scène conçue avec humour par Daniel Auteuil est simple mais efficace. Le décor est chaleureux avec ses tons ocres, les lumières soulignent avec subtilité chacun des actes, quant aux costumes signés Charlotte Betaillole, ils mêlent l’esprit bourgeois et la fantaisie. Néanmoins, en tant qu’acteur, on sent bien que Daniel Auteuil a privilégié le texte de Molière, sa fibre farceuse et le jeu de sa troupe.
La maisonnée d’Argan
Parmi les comédiens rôdant autour d’Argan, il y a bien sûr Béline, sa nouvelle femme. Rusée et chapardeuse, elle est interprétée avec une belle aisance par l’actrice bulgare Natalia Dontcheva. Élégante, hautaine et superbement artificielle, elle conspue sans vergogne pour s’approprier l’héritage de son vieux mari.
Dans le registre opposé, il a sa fille Angélique (Victoire Bélézy, un peu trop effacée bien que son rôle l’exige). Douce et candide, la demoiselle aime tendrement son papa mais ne peut résister aux charmes de Cléante.
C’est justement Pierre-Yves Bon qui incarne ce galant “si bien fait de sa personne”. Vif et impétueux, le jeune acteur possède une telle énergie qu’elle paraît parfois en décalage avec ses partenaires et l’esprit classique de la mise en scène. Sa singularité est d’ailleurs volontairement soulignée lorsque Cléante mène sa cours avec une guitare en déclinant les vers de Molière sur un air de Bowie.
Reste enfin le cortège des médecins avec le colérique Monsieur Purgon (Loïc Legendre, fort emporté !), l’insidieux Diafoirus (Jean-Marie Galey) et son éternel benêt de fils, Thomas (Gaël Cottat). Ces deux derniers nous offrent un duo caricatural tout à fait dans le ton de la Comedia mais, par delà leurs mensonges et leurs visages grimés de blanc, on voudrait que l’un soit d’avantage machiavélique et l’autre encore plus lunaire.
Pour finir, saluons l’apothicaire (Cédric Zimmerlin), l’inévitable notaire (Laurent Bozzi) ainsi que le sage Béralde, frère d’Argan, interprété par l’élégant Alain Doutey (père de Melanie Doutey).
Si vous souhaitez vous distraire tout en révisant vos classiques, cette adaptation de Daniel Auteuil est parfaite. En dépit de ses fièvres, de ses lavements et de ses fluxions, son Malade Imaginaire vous offre, à n’en pas douter, le meilleur des remèdes : le rire !.
Le Malade Imaginaire – PDF SYMA News – Florence Yeremian;
Le Malade Imaginaire
De Molière
Mise en scène : Daniel Auteuil
Assisté de : Annette Barthélémy
Avec : Alain Doutey, Aurore Auteuil, Victoire Bélézy, Pierre-Yves Bon, Natalia Dontcheva, Jean-Marie Galey, Gaël Cottat, Loïc Legendre, Cédric Zimmerlin, Laurent Bozzi et Daniel Auteuil
Scénographie : Jean-Paul Chambas
Costumes : Charlotte Betaillole
Lumières : Jean-François Robin
À partir du 25 janvier 2019
Du mercredi au samedi à 20h30
Samedi à 17h et dimanche à 15h30
Théâtre de Paris
15 rue blanche – Paris 9ème
www.theatredeparis.com
Réservations : 0148742537
Photos : ©Julien Panié