Lalalangue

Tout commence avec un accident. Celui d’une mère qui, suite à une chute en montagne,  se retrouve unijambiste et décide d’exhumer sa vengeance sur ses propres enfants. Cadette de cette grande fratrie, Frédérique Voruz a longtemps subi cet étrange châtiment maternel. Avec autant d’humour que d’amertume, elle nous le raconte via le prisme théâtral d’une séance chez le psy.

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La petite Frédérique avec ses boucles rousses, ses yeux clairs et son morceau de lard !

La lalangue c’est quoi ?

Drôle de titre pour une pièce, allez-vous dire, et pourtant “la lalangue” n’est pas un mot comique inventé par Frédérique Voruz pour agrémenter l’affiche de son spectacle. Ce drôle de néologisme a été créé par Lacan en 1971 comme concept psychanalytique véhiculant l’inconscient.

Si Frédérique Voruz utilise aujourd’hui ce vocable c’est tout simplement parce que la comédienne met en mots – et en scène – ces maux trop longtemps restés enfouis dans les arcanes de sa belle personne…

Une mère bourreau

Seule sur son plateau, Frédérique nous raconte une heure durant les incroyables divagations d’une mère bourreau. Accompagnée d’un projecteur et de vieilles diapos, la jeune comédienne déploie en images son univers familial et nous le détaille avec verve : au fil des phrases et des photos, on découvre une pelletée de frères et sœurs, des grands-mères qui se détestent, un père menteur et totalement à l’ouest, et puis surtout une mère – LA mère ! – aussi catholique qu’unijambiste.

Pétrie de haine et de rancœur, cette génitrice puritaine élève intentionnellement ses enfants dans un bouge insalubre en leur faisant subir les pires privations et humiliations : entre les repas de nourriture avariée, la tournée régulière des clochards et les insultes gratuites, le spectateur voit peu a peu se dessiner une véritable mère-fouettard aux instincts proches du sadisme.

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Frédérique Voruz 

Il faut savoir pardonner…

En dépit de ce comportement malveillant et vindicatif, la petite Frédérique accepte ce traitement et continue à se blottir contre le moignon de cette ogresse maternelle. De prime abord, un tel attachement pour ce grand corps malade peut paraître contradictoire, mais l’amour d’une enfant pour sa mère n’est-il pas souvent inconditionnel ?

À force de vivre dans cette acceptation du jugement maternel, du jugement de Dieu et même du jugement d’autrui, la jeune Frédérique s’est ainsi forgée un caractère fort mais dans la projection d’une vie fantasmée et l’attente de regards. Voilà certainement pourquoi la demoiselle à choisi d’être comédienne car un tel métier l’entraîne à se métamorphoser, à transformer son quotidien et à se donner en spectacle.

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Bienvenue chez Ariane Mnouchkine

C’est donc très jeune que Frédérique Voruz a foulé les planches – et pas n’importe lesquelles  ! – car elle a joué ses premiers rôles au sein du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine.

Après Macbeth et Les Naufragés du Fol Espoir, elle s’est distinguée cette année dans Kanata de Robert Lepage en interprétant une fabuleuse cocaïnomane. Avec Lalalangue, la comédienne passe de l’autre côté du miroir et s’implique personnellement dans la mise en scène.

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Frédérique Voruz jouait les cocaïnomanes dans le spectacle KANATA de Robert Lepage (Théâtre du Soleil 2019)

Une conteuse hors-pair 

De ce spectacle intime et sans artifice ressort une grande force verbale mais aussi mentale. Le sourire aux lèvres et le timbre moqueur, Frédérique Voruz nous plonge avec un subtil cynisme dans l’agonie de son enfance. Très complice avec son public, elle le promène de sa maison sale au divan de son psy en usant d’humour noir et d’autodérision.

La narration est frontale et véhémente, quant au texte, il est haletant et d’une suintante cruauté. En écoutant l’histoire vécue de Frédérique, on a l’impression d’entendre un conte de Grimm dans la lignée d’Hansel et Gretel où une mère hydre consume à petit feu ses pauvres enfants.

Il y a une belle puissance dans cette confession scénique. Il y a aussi de la peine un peu dissimulée et presque une envie de pardon…

En quittant la salle, on se dit que Frédérique Voruz est une conteuse magnifique et pourtant… elle n’a fait que dire la vérité !

Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr

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De et par Frédérique Voruz
Sous le regard bienveillant de Franck Pendino et Simon Abkarian 

Le Cirque Électrique
10, place du Marquis du Vercors – Paris 20e
Métro : Porte des Lilas
Réservations : 09 54 54 47 24

Le Dimanche 10.10.2021 à 17h

Photo titre : ©Sarah Robine

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.