La BNF présente sa nouvelle exposition : “Ne les laissez pas lire !”
Depuis le début du XXe siècle, les livres pour enfants ont suscité nombres de polémiques : censurés, voire interdits par des particuliers ou des institutions, ils se révèlent être d’excellents baromètres des peurs et des tabous sociaux.
Jusqu’où doit-on pousser la protection de l’enfance et où s’arrête la liberté d’expression ? La BNF s’est penchée sur ce dossier très controversé, livres à l’appui…
Saviez-vous que Tarzan, Spirou ou Mickey avaient été censurés au siècle dernier ? Difficile à croire et pourtant, le personnage de Tarzan était considéré comme impudique, Spirou a été interdit en 1943 par l’occupant allemand, quant au Journal de Mickey, il s’est retrouvé banni car fondé par un hongrois « censé faire preuve d’indigence intellectuelle »…
A l’occasion des 70 ans de la loi sur les publications destinées à la jeunesse, la Bibliothèque Nationale fait le point sur un siècle de débats et de polémique. A travers une vingtaine de panneaux et d’illustrations, elle présente tout un éventail de « livres jeunesse » critiqués au fil du siècle par des associations, des groupes politiques ou des religieux.
Véto de l’église & des communistes
Il en va ainsi de l’Abbé Louis Bethléem qui a mis Georges Sand à l’index et s’est insurgé contre les premières BD. Considérant ces oeuvres comme licencieuses ou argotiques, cet homme d’église a fait paraitre en 1904 sa « bible » personnelle: « Romans à lire et romans à proscrire ». Menant une campagne intense contre les mauvaises lectures, cet Abbé avait pour coutume de déchirer des livres en place publique …
Parallèlement aux ecclésiastiques, l’exposition de la BNF nous montre que les journaux pour la jeunesse ont aussi subi beaucoup de critiques, notamment par les milieux communistes qui dénonçaient à l’époque la presse colonialiste.
La loi de Juillet 49
Afin de prévenir toute dérive, l’état français érige en juillet 1949 une loi encadrant les publications pour la jeunesse. Cette loi condamne les « 7 péchés capitaux » parmi lesquels figuraient alors la débauche, le banditisme ou … la paresse !
A partir des années 1950, cette commission de surveillance engage de multiples poursuites contre des éditeurs mais seul Pierre Mouchot est vraiment condamné. Sa BD Fantax inspirée des Comics made in USA mettait censément en avant trop de violence pour les enfants.
La figure de Tarzan fut aussi l’une des cibles de la loi de 49 : d’une part, ce personnage n’était pas assez vêtu, d’autre part, il véhiculait une image trop puissante de surhomme, ce qui était très mal perçu au sortir de la 2e guerre mondiale.
La BD étrangère a eu également son lot de censure, notamment les éditeurs belges. A titre d’exemple, Billy the Kid n’a pas été accepté en France et a du rester sur le marché Belge car le personnage du kid tétait le revolver de son père. Les figures féminines trop voluptueuses ont aussi eu du mal à s’imposer dans le monde des livres pour la jeunesse, voilà pourquoi on trouve si peu de femmes au sein de la BD Franco-Belge !
Mai 68 : un climat de liberté
La révolution de Mai 68 apporte un souffle de liberté dans les éditions pour enfants. Avec « Le petit livre rouge des écoliers et des lycéens » un cap est définitivement passé : expliquant clairement aux enfants la violence, l’usage des drogues ou la contraception, cet ouvrage scandaleux est immédiatement interdit par le Ministère de l’intérieur.
Afin de réagir contre la bêtise ambiante et la pudibonderie des publications bourgeoises, les Éditions des femmes lancent à la même époque une collection sans tabous nommée Du côté des petites filles.
.
Et aujourd’hui ?
Avec les temps et l’évolution des moeurs, la censure s’est faite de plus en plus précise : la pornographie, la violence, le racisme et l’incitation à l’usage des stupéfiants sont aujourd’hui devenus les principaux péchés capitaux de la commission.
Parmi les derniers scandales, on peut citer la première édition de la série à succès Max et Lili. Dans le livre, Lili se fait piéger sur Internet, une image montrant un couple nu en arrière plan a reçu les foudres des puritains qui ont exigé sa suppression dans les autres tirages. Depuis, tous les enfants cherchent bien évidement à se procurer la première édition…
Même chose pour l’ouvrage Tous à poil ou pour Le Zizi sexuel qui a déclenché un tollé au Brésil.
Enfin plus proche de nous, des livres d’Harry Potter et de Twilight ont été livrés aux flammes en Pologne ! En avril dernier, un véritable Autodafé s’est en effet tenu dans la ville de Gdansk dénonçant la portée hérétique de ces ouvrages liés aux sciences occultes…
Au lieu de détruire des livres et de supprimer des images, ne faudrait-il pas s’interroger sur les institutions et les sociétés qui prônent la censure ? Certes, les enfants sont sensibles et vulnérables, mais il faut savoir les mener pas à pas et intelligemment vers la vérité de ce monde car nous ne vivons pas dans un conte de fée. A l’heure des tablettes et des réseaux sociaux, une chose est sure : la polémique concernant l’éducation de nos enfants n’est pas prête de s’arrêter…
Ne les laissez pas lire : une exposition didactique
Du 17 septembre au 1er décembre 2019
Ouvert tous les jours sauf le lundi
BNF – Bibliothèque Nationale – Site François Mitterrand – Allée Julien-Caïn