Léonard de Vinci
A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, l’artiste investit le Louvre avec tout son bagage pictural. Cette rétrospective consacrée à l’ensemble de sa carrière de peintre présente pour la première fois onze des vingt tableaux attribués au Maitre agrémentés de plus de 150 dessins et travaux de la Renaissance italienne. L’occasion de poser un regard neuf sur l’oeuvre et le processus créatif de ce génie de la Renaissance.
Un dessin sculptural
L’exposition s’ouvre sur les figures imposantes du Christ et de Saint Thomas réalisées par Andrea del Verrocchio. Léonard fut l’élève de ce sculpteur lors de son premier apprentissage à Florence où il développa instinctivement son goût du chiaroscuro et du mouvement. La sculpture de bronze de Verrocchio est justement mise en scène avec un éclairage intense et presque dramatique afin d’en faire ressortir les ombres et les lumières.
Tout autour de ces figures saintes se déploient de superbes planches de drapés dont celles de la “Draperie Jabach”. Déclinant les tissus de façon monochrome, ces détrempes peintes sur toile de lin mettent en avant l’intérêt de Léonard pour la matière spatiale, le modelé et l’aspect sculptural du dessin.
Un nouvel éclairage sur la peinture de Léonard
L’un des principaux intérêts de ce nouvel accrochage consacré à Vinci revient au travail scientifique qui a été réalisé en amont par les deux commissaires de l’exposition : Vincent Delieuvin et Louis Frank. Sur plus de dix ans, ces deux spécialistes du maître italien ont fusionné leurs savoirs afin d’apporter un éclairage neuf au travail pictural de Léonard.
Louis Frank a repris en profondeur les 4000 feuillets de Vinci ainsi que tous les écrits le concernant dont les fameux textes de Vasari. Écartant l’approche canonique relative à la biographie de Vinci, il a remis l’œuvre et la pensée de l’artiste dans leur contexte d’époque et les a réanalysés.
De son côté, Vincent Delieuvin, conservateur en chef du Louvre spécialisé dans les dessins et tableaux du XVIe siècle italien, a soumis l’ensemble des huiles de Vinci à des examens scientifiques et notamment à la technique de reflectographie afin de “scanner” en profondeur toutes les étapes du processus créatif du peintre.
Dans le secret des chefs-d’oeuvre
La technique de reflectographie infrarouge permet de “traverser” le vernis et la dernière couche picturale d’un tableau pour rentrer dans l’âme des œuvres.
Selon les panneaux présentés au Louvre, on peut distinguer une esquisse de Léonard, un repentir, l’ébauche d’un fond, les pointillés d’un contour tracé au poinçon mais aussi les craquelures du bois. L’exposition est exceptionnelle à ce niveau car elle présente les oeuvres originales de Léonard en parallèle de leurs réflectographies à taille réelle.
Qu’il s’agisse du Baptême du Christ, de l’Adoration des Mages ou du sublime portrait de la Dame à l’hermine, on redécouvre ces chefs-d’œuvre sous un angle neuf et l’on comprend à quel point Léonard pouvait combiner une liberté d’expression – qui se dissimule dans les “sous-couches” – à une maîtrise parfaite de la technique et de la finition.
En quête de liberté picturale
Certes, Léonard est obsédé par la perfection de ses œuvres mais pour lui elle ne s’arrête pas à l’imitation du réel. À ses yeux, “La peinture est une science divine car elle permet de recréer le monde“, voilà pourquoi Vinci a progressivement ressenti la nécessité de transmettre un mouvement à ses figures et une dynamique à leur gestuelle.
Par le biais des réflectographies mais aussi grâce à tout un panel d’esquisses au crayon et de travaux à la plume, on découvre l’intérêt de Léonard pour ce qu’il nomme le “componimento inculto”. Ce procédé de “composition inculte” peut s’apparenter à un travail d’écriture automatique car il laisse la place à un dessin « non-controlé », rythmé par le flux créatif de l’artiste.
Le scientifique derrière l’artiste
Pour atteindre une telle liberté dans son travail pictural, Léonard a, bien sûr, oeuvré durant des années pour se perfectionner. Afin de nous montrer ce laborieux cheminement analytique, l’exposition du Louvre met en avant une salle entière de planches scientifiques complétées par une copie du XVIe siècle de la Cène signée Marco d’Oggiono.
Parmi les minutieux travaux de Léonard sur la mécanique des fluides, l’architecture, l’optique ou la météorologie, on se délecte en observant les traités du savant sur la réflexion du soleil, le vol des oiseaux ou la présence d’eau sur la lune ! On est aussi heureux de voir que la Galerie de l’Académie de Venise a enfin prêté son Homme de Vitruve !
Cette rétrospective Vinci sera certainement la seule du siècle. Si vous souhaitez capter la liberté graphique du maitre toscan et comprendre enfin les secrets de sa maîtrise picturale, n’attendez plus !