Beau Millésime pour l’AKAA 2019 (Also Know As Africa)
Pour la 4e année consécutive, la Foire d’Art Contemporain Africain s’est tenue au Carreau du Temple. Son accrochage 2019, très axé sur les arts graphiques et la photographie, a permis à SYMA News de découvrir ou de retrouver avec plaisir une nouvelle génération d’artistes aussi talentueux qu’engagés. On vous présente en détail notre sélection.
NELSON MAKAMO
Nelson Makamo est exposé par le collectif Botho de Johannesburg. Nouvelle figure montante de l’Art contemporain, cet artiste sud-africain possède une maitrise des formes et un trait nerveux qui confèrent à ses oeuvres une intensité remarquable. Qu’il s’agisse d’un portrait d’enfant ou d’une scène de rue, Nelson Makamo parvient à projeter avec spontanéité son ressenti en jouant sur les couleurs, les hachures au fusain et la notion de mouvement. Ses créations très puissantes laissent deviner une profonde amertume à l’égard de la ségrégation raciale et de l’ancienne politique de l’Apartheid.
ANJEL
Anjel est un jeune artiste camerounais originaire du Limpopo. De son vrai nom Boris Anje Tabufor, il présente une éclatante galerie de portraits réalisés à l’acrylique et aux feutres Posca. Premier prix de peinture des ateliers Sahm de Brazzaville, son travail emprunte à JP Mika et à la culture de la SAPE mais avec une superbe ironie sous-jacente: en réponse au scandale soulevé l’an dernier par l’affiche de H&M qui mettait en scène un petit garçon noir avec le slogan « The Coolest Monkey in the Jungle » (Le singe le plus sympa de la jungle), Anjel a imaginé une série de figures dénonçant le consumérisme de notre époque et la mainmise des Fashion Traders. « Je ne comprends toujours pas comment de si grandes marques ont pu valider un slogan promotionnel dénigrant ainsi la race noire. Ce type de message raciste n’a pu être imaginé de façon inconsciente. Une telle bêtise est impossible de nos jours et ce qui me choque c’est que malgré la répercussion de ce scandale dans la presse et les media, H&M continu à avoir un impact énorme sur les consommateurs. Avec ma peinture, j’ai donc voulu dénoncer celà et rendre cette marque vulgaire. A travers l’ensemble de mes portraits recouverts de pochoirs Prada, Gucci ou Versace, je montre à quel point notre société est devenue dépendante de la Fashion Industry au-delà de toute morale »
OCOM ADONIAS
Superbe accrochage d’Ocom Adonias, un artiste Ougandais mis en avant par l’Afriart Gallery de Kampala. Durant l’AKAA, six de ses tableaux dialoguaient autour de scènes populaires dessinées au pastel sur papier journaux. Dans ses prises de vues presque photographiques, Ocom Adonias s’attache aux ouvriers, aux marchés et aux musiciens de rue en représentant avec beaucoup de réalisme leur quotidien. Parmi ces personnages pris sur le vif, il s’amuse à nous interroger sur la notion de sainteté au coeur de notre société : en auréolant d’humbles travailleurs ou de modestes inconnus, il nous fait comprendre que la bonté réside souvent là où l’on ne l’attend pas. Son art est donc une invitation à trouver de belles âmes parmi les gens du peuple et non dans les hautes sphères politiciennes.
DAVID UZOCHUKWU
Présentées par la Galerie Number 8, les photos de David Uzochukwu sont un mélange de grâce et de force qui mettent nos sens en éveil. Explorant le corps humain sous toutes ses facettes, ce jeune artiste d’origine nigériane nous offre des images pleines de torsions et de nervosité où l’on capte avec admiration sa sensibilité artistique et sa maitrise technique des ombres et des lumières.
MARIO MACILAU
Dans un tout autre genre, le photographe mozambicain Mario Macilau apporte à ses oeuvres en noir et blanc une poésie folle. Pétri de lumière et de silence, ses clichés révèlent un minutieux goût du détail et un oeil en quête de spiritualité. Parralèlement à cette approche esthétisante, Mario Macilau propose aussi un art très engagé mettant en avant les exclus de la société et les démunis. L’une de ses photos exposées à l’AKAA présentait justement un enfant adepte de l’animisme déambulant dans une déchèterie. La tête et le corps, enveloppés dans des ordures, ce jeune garçon montrait comment une croyance aussi ancestrale envers les génies protecteurs pouvait encore se pratiquer au coeur du Mozambique contemporain.
MAURICE MBIKAYI
Né en République Démocratique du Congo, Maurice Mbikayi a complété ses études à l’Université des Beaux Arts de Cape Town. A la fois peintre, sculpteur et photographe, il s’est intéressé à l’impact des nouvelles technologies sur notre systeme. Ses créations hétéroclites dénoncent avec beaucoup d’esprit l’exploitation de l’Afrique et de ses ressources minières par les grandes industries européennes ou américaines.
« Tout a commencé avec un laptop acheté dans une boutique d’occasion de Kinshasa. Face à un tas d’ordinateurs destinés à être jetés, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Les gens devaient prendre conscience de la dérive digitale et de son impact néfaste sur notre époque. J’ai donc tout récupéré et j’ai commencé à façonner des vêtements avec des claviers, des cartes mères et toutes sortes de composants informatiques. Etant de Kinshasa, je suis familier du mouvement de la SAPE et j’ai trouvé intéressant de faire une analogie entre la Fashion addiction et la Digital addiction de nos sociétés.
FATIHA ZEMMOURI
Enfin une femme artiste dans ce melting-pot du continent africain ! Née à Casablanca, Fatiha Zemmouri a choisi d’exposer au Carreau du Temple sa série « Suspendu ». Engagé et polyvalent, son processus de création mélange les genres et les techniques et se déploie aussi bien sur des tôles imprimées de mappemondes du XVIIIe siècle que sur des photographies. Questionnant le passé et la mémoire, Fatiha s’inspire d’anciennes cartes postales qu’elle explore et modifie à l’encre à travers des plaques de plexiglas. Il en ressort des oeuvres patinées de nostalgie et de silence qui laissent percevoir la fragilité du temps et des êtres.
ALEXIS PESKINE
Figure incontournable de la scène artistique contemporaine, Alexis Peskine expose pour cette nouvelle édition de l’AKAA trois portraits parmi les oeuvres de l’October Gallery. Né à Paris, cet artiste d’origine afro-brésilienne était déjà notre favori lors de la Foire Art Paris 2017. Continuant son cheminement identitaire à travers la question noire, il a choisi de présenter une nouvelle fois de très puissants portraits sur bois réalisés en relief avec des clous teintés à la feuille d’or. Pour les amateurs au budget plus restreint, sachez que Peskine a commencé à concevoir des tirages à l’encre de café imprimés en 2D sur papier Khadi. Le résultat est moins impressionnant que ses toiles mais nettement plus abordable.
JULIEN VIGNIKIN
Du côté des galeries françaises spécialisées en Art Africain, la Galerie Vallois propose un solo show autour de Julien Vignikin. Né à Ouidah, cet artiste béninois explore autant la peinture que la sculpture. Installé en Bourgogne, il mène un travail sur les matériaux de récupération et a choisi d’utiliser comme supports de ses oeuvres des lattes de tonneaux provenant des propriétés vinicoles de sa région.
HOUSTON MALUDI
Terminons notre beau parcours avec le collectionneur – globe trotteur André Magnin qui mise cette année sur l’artiste Houston Maludi en lui consacrant une salle complète nommée « L’Ordre et le Chaos ». Né à Kinshasa, ce peintre congolais poursuit une profonde recherche esthétique où la ligne domine. Oeuvrant sur des compositions monochromes ou bicolores, il mène un travail graphique très minutieux qui ne laisse aucune place au vide. Par le biais de ses toiles labyrinthiques, Houston Maludi parvient à noyer notre regard dans un univers surchargé d’architectures et d’êtres humains qui traduisent parfaitement le dynamisme et le chaos des zones urbaines contemporaines.