La collection Georges Leskowicz est à Aix-en-Provence! Une bonne partie des nombreuses estampes du collectionneur sont à voir dans la cité provençale, y compris les œuvres de quelques grands noms qui font l’affiche de cette exposition, les maîtres Hiroshige, Hokusai et Utamaro.
L’exposition a beau être ouverte depuis plusieurs mois, il faut faire preuve de patience pour de pénétrer dans l’hôtel de Caumont, hôte de la prestigieuse collection cet hiver. Une heure d’attente fut nécessaire avant de pouvoir apercevoir la première œuvre. Le succès du japonisme est formidable aussi dans le sud de la France.
Le sens de la visite est thématique : en premier lieu, la sélection met l’accent sur la nature, sujet phare de l’estampe japonaise. Quelques beaux tableaux de Hokusai (dont nous avions parlé lors de la sortie du manga Miss Hokusai) et ses Trente-Six Vues du Mont Fuji sont là. La puissance des éléments se ressent par exemple ici dans La Rivière de Tamagawa, où le batelier lutte difficilement contre les vagues. Dans Eijiri de la même série, le vent tourmente les promeneurs.
Chez son confrère Hiroshige (1797-1858), c’est la pluie qui ressort de l’imagerie des Cinquante-Trois Etapes du Tôkaidô, plus précisément l’estampe Tsuchiyama. L’expression “pleuvoir des hallebardes” prend tout son sens dans l’affichage de cette pluie noire, presque maléfique.
La météo revient d’ailleurs en fin d’exposition avec cette énorme image animée de Averse Soudaine sur le Pont Shin-Ohashi de Hiroshige sur les murs du musée. Les traits noirs continus et les passants se hâtant de haut en bas de l’écran donnent une idée de la vision de l’auteur lors de ces scènes. Que ce soit par la neige, l’eau ou le vent, Hiroshige et Hokusai traduisent la réalité éprouvante des voyageurs à l’époque d’Edo, dont les deux auteurs sont au final les premiers représentants. Ils contribuent également à remplacer l’homme par rapport à la nature : dans la plupart des œuvres, le paysage prime sur l’homme, souvent représenté en tout petit au milieu de la majesté des paysages. Un message à part qui fait écho aujourd’hui.
De nature il sera encore question dans la section animalière de l’exposition, la Carpe de Hiroshige en tête. Le paragraphe explicatif revient sur l’importance de ce poisson dans l’imaginaire nippon : courageuse dans la remontée des courants, elle est un symbole de vaillance et de succès. L’animal représenté lors de la fête des garçons célébrée traditionnellement le 5 mai dans l’archipel.
Cette fête est d’ailleurs l’objet d’une autre estampe de Hiroshige dans le cadre de la série Les Cent Vues d’Edo. Une légende importée de Chine veut également que la carpe se transforme en dragon à l’issue de son périple, chose que les plus geeks rapprocheront immédiatement de l’évolution de Magicarpe dans la série Pokémon.
Prolifique, Hiroshige a créé maintes séries thématiques, ici celle consacrées aux oiseaux : hérons, canard, grues du Japon… les représentations sont splendides.
Utamaro (1753-1806), à l’inverse de ses confrères, se focalise sur l’humain. Il est le peintre des courtisanes du quartier des plaisirs à Edo. Il touche également à la théologie avec cette estampe représentant le dieu Daikokuten (l’une des sept divinités historiques du bonheur au Japon) se dessinant lui-même au passage de la nouvelle année. Ses nombreux portraits de Geishas parsèment le deuxième étage de l’exposition.
Enfin, les organisateur ont prévu un peu de place pour la pédagogie. Une vidéo explique les étapes de la réalisation d’une estampe : la xylogravure est le travail conjoint du dessinateur, du graveur, de l’imprimeur et de l’éditeur. L’auteur dessine d’abord une maquette destinée au graveur, qui taille les contours sur une planche de bois.
L’imprimeur y appose ensuite les couleurs les unes après les autres, et la feuille choisie par l’éditeur est imprimée autant de fois qu’il y a de supports en bois pour ajouter toutes les parties. On en voit d’ailleurs certaines étapes ici.
Pas de doute, “Hokusai, Hiroshige, Utamaro… les grands maîtres du Japon” est une exposition de haute volée comprenant des pièces rares et magnifiques de l’estampe japonaise, ainsi qu’un travail pédagogique remarquable pour initier le plus grand nombre au secrets de cet art et à son interprétation culturelle.
Hokusai, Hiroshige, Utamaro… les grands maîtres du Japon
Hôtel de Caumont
3, rue Joseph Cabassol 13100 Aix-en-Provence
Du 8 novembre 2019 au 22 mars 2020
Ouvert de 10h à 18h