Les Évadées du Harem raconte l’histoire authentique de trois femmes ayant fui leur gynécée turc au début du siècle dernier. En quête d’une vie meilleure, ces belles captives ont décidé de tout quitter pour rejoindre la France. Portées par une soif de liberté, elles vont nous faire suivre leurs pérégrinations de Constantinople à Paris et tracer avec audace les prémices d’une périlleuse émancipation féminine.
Un scénario inspiré par «Les désenchantées» de Lotti
Docteur en lettres et histoire contemporaine, Alain Quella Villégier signe ici sa première collaboration à une bande dessinée. Inspiré par le best-seller de Pierre Lotti, Les Désenchantées, il redonne vie au récit de cet écrivain orientaliste qui a eu la chance de s’introduire au sein d’un harem afin d’être initié à la condition des femmes turques.
A ses côtés, l’auteur Didier Quella-Guyot (Hercule Poirot et Monument Amour) change de registre et ose à son tour se pencher sur la claustration féminine en Orient.
Une dangereuse quête de liberté
Ensemble, ces deux auteurs mettent en avant le ressenti de femmes muselées et confinées au sein d’un empire patriarcal. Leur analyse est parfois détachée et un peu simpliste mais ils ont le mérite de rendre hommage au courage de ces trois héroïnes et mettent en parallèle l’archaïsme de la tradition musulmane face à la modernité de la culture occidentale.
Au fil des pages, on traverse en effet, les différentes frontières européennes de Belgrade à Paris tout en faisant escale dans les pensées tourmentées des protagonistes.
Au fil des pages, on traverse en effet, les différentes frontières européennes de Belgrade à Paris tout en faisant escale dans les pensées tourmentées des protagonistes.
Qu’il s’agisse de la pauvre Zennour, de la caractérielle Nourrie ou de leur accompagnatrice, elles racontent à tour de rôle leur mariage forcé, leur détresse, la contrainte permanente du voile et leur enfermement.
Quelle surprise aussi de découvrir que ces demoiselles possèdent un grand-père issu de l’aristocratie française, qu’elle sont polyglottes et qu’elles ont reçu une très belle éducation. On en conclut que ce savoir et cette intelligence les ont certainement menées à faire partie des rares femmes turques qui ont osé se rebeller dès 1906 contre la tradition.
Un style graphique d’une rare liberté signé Sara Colaone
Afin d’illustrer leurs propos, Alain Quella Villégier et Didier Quella-Guyot ont fait appel à Sara Colaone qui maitrise parfaitement le dessin historique. Illustratrice de Leda Rafanelli – La gitane engagée et de l’album En Italie, il n’y a que des vrais hommes, cette artiste fait preuve d’un style graphique très intéressant qui n’est pas sans rappeler Persepolis de Marjane Satrapi.
Le trait sûr sans être académique, elle joue sur les nuances de noir et de gris et confère un aspect évolutif à chacun des personnages.
Dommage que le texte soit parfois trop bavard et les dialogues à rallonge car cela nous empêche d’apprécier la puissance de ses découpages, la liberté de ses cadrages ainsi que toutes la palette d’expressions qu’elle insuffle aux protagonistes. Son dessin tantôt feutré tantôt incisif mériterait en effet plus de « silence ».
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Les évadées du Harem ? Une odyssée de femmes dont la quête d’émancipation demeure, hélas, toujours d’actualité..
La bande dessinée étant historique, elle est complétée par un dossier bien documenté sur Pierre Lotti et les véritables protagonistes de cette aventure : Zennour et Nouryé, filles de Mehmed Noury Bey ainsi que la journaliste féministe Marie Lera.